Mejdi Kilani : « La transition énergétique de la Tunisie n’est pas sécurisée faute d’avoir associé le savoir-faire des compagnies tunisiennes »

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Mejdi Kilani CEO SHAMS Technology

Entretien avec M. Mejdi Kilani CEO – SHAMS Technology

Comment se déroule selon vous la transition énergétique de la Tunisie ? 

Normalement quand les pays s’engagent dans de grands projets solaires, ils tiennent impérativement compte de toute une chaîne de valeurs. Cela veut notamment dire qu’il ne s’agit pas de produire et de consommer de manière passive, mais surtout essayer de se positionner dans la chaîne de valeurs. Cette dernière se compose principalement du volet Industrie, de la partie projets,  ensuite vient la phase consommation. Pour le cas de la Tunisie, j’estime que nous sommes un pays qui avance assez bien dans ce domaine avec à notre actif un certain nombre d’acquis positifs. Mais je regrette de souligner d’autre part que nous sommes en train de nous positionner comme des acteurs passifs. C’est une situation qui pourrait s’avérer extrêmement dangereuse dans le contexte spécifique de la transition énergétique. Je vous donne ici des exemples concrets, les projets qui se font actuellement en Tunisie et qu’on appelle Tozeur I et Tozeur II sont projets tunisiens mais qui se font avec des équipements étrangers et par des opérateurs étrangers. 

En quoi cela pose problème ? 

Je pense que c’est un point d’alerte qu’il faut remonter correctement. Une compagnie tunisienne comme SHAMS, n’as pas le droit de participer à ce type de projets. Il y a donc des barrières d’accès à ce type de projets et ces barrières sont principalement érigés par les bailleurs de fonds internationaux. Or, il se trouve qu’une compagnie tunisienne comme SHAMS particulièrement bien placée pour réaliser cette catégorie de projets. Nous sommes présents dans l’industrie puisque nous disposons d’une usine à Kairouan, nous sommes présents dans les métiers de la mise en œuvre et les installations d’équipements solaires avec des exemples visibles comme les stations des réseaux « Total » ou « VIVO » et nous sommes aussi producteurs d’énergie. 

Comment atténuer cette dépendance des compagnies étrangères quand il s’agit de grands projets ? 

Tout simplement en intégrant du contenu local comme celui d’encourager les industriels locaux qui sont spécialisés dans la fabrication des panneaux solaires au lieu de baisser les droits de douane sur l’importation des panneaux solaires en provenance d’Asie. Cette politique porte un grave préjudice aux quatre usines que compte le secteur en Tunisie. Le prétexte lancé pour ne pas consommer local c’est de dénigrer la qualité du made in Tunisia alors qu’un pays comme la Turquie a suivi une voie inverse en imposant aux bailleurs de fonds la promotion obligatoire de sa propre industrie. Nous devons obligatoirement mettre du contenu local comme c’est le cas de la Turquie, comme là fait l’Arabie Saoudite, la Chine ou l’Inde. 

La stratégie tunisienne dans le domaine du solaire et du renouvelable  est similaire à ce qui se fait dans de nombreux pays développés mais elle manque cruellement de contenu local. La démarche tunisienne est très pragmatique et elle repose sur un cadre juridique très en avance mais elle ne s’appuie pas suffisamment sur le savoir faire des acteurs locaux. SHAMS Technology à titre d’exemple a fait ses preuves à l’international et nos équipements sont déployés dans des pays comme le Mali et la Guinée Equatoriale et nous avons exportés aussi nos équipements vers l’Espagne. 

Mais vous venez d’obtenir une concession de production pour une centrale à Kasserine ? 

Cela est insuffisant dans ma mesure où les équipements nécessaires à ce type de projets sont importés. C’est un manque à gagner pour notre industrie locale, pour nos ingénieurs et pour les finances de notre ETAT. Si la Tunisie veut percer à l’international elle doit soutenir ses entreprises et leurs permettre d’abord de faire leur preuve sur le marché local. Dans l’éolien comme dans le solaire on est dans l’exclusion du tunisien. La transition énergétique de la Tunisie n’est pas sécurisée faute d’avoir associé le savoir-faire des compagnies tunisiennes.  

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