Noureddine Hajji : « Nous avons décidé au sein de la Chambre de faire bouger les lignes »

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Entretien avec Noureddine Hajji, Managing Partner EY et 1er vice-président de la Chambre de Commerce Tuniso-Britannique.

Comment qualifiez-vous aujourd’hui les relations économiques entre la Tunisie et la Grande Bretagne ?

Quand on évoque les relations bilatérales, la première chose qui vient à l’esprit c’est qu’on ne se connaît pas mutuellement assez ! De notre côté, en tant que Tunisiens, nous n’avons pas entrepris de gros efforts pour bien connaître et explorer le marché britannique. Nous nous sommes en quelque sorte limités à travailler quasi-exclusivement avec quatre ou cinq pays, la France, l’Italie, l’Allemagne, l’Espagne et un peu la Belgique et jamais sérieusement cherché à aller au-delà. C’est peut-être la proximité historique, culturelle et linguistique avec la France qui nous a mis dans une zone de confort, voire dans une attitude de paresse vis-à-vis de ce que nécessiterait l’accès à forte échelle au marché britannique. Alors que le potentiel du marché britannique est considérable. Bien entendu, pour travailler avec le marché britannique, il faut préparer un certain nombre de préalables et répondre à certaines exigences incluant les standards et les réseaux de distribution. Mais dès lors que ces préalables sont préparés, cela ouvre d’importantes perspectives en termes de flux de business. Le Royaume-Uni est un grand marché, bien structuré avec un fort niveau de consommation et un pouvoir d’achat élevé. De leur côté aussi, les Britanniques ont une vision amoindrie de la Tunisie. Ils n’intègrent pas le fait que la Tunisie dispose d’une économie dynamique et relativement innovante, qu’elle dispose de PME solides et compétitives et qu’elle a des atouts que d’autres n’ont pas pour accompagner le développement du business des entreprises britanniques en Afrique.

Quel rôle peut jouer la Chambre mixte pour faire bouger les choses ? 

Nous avons décidé au sein de la Chambre de faire bouger les lignes et stimuler l’intérêt pour l’accroissement de la coopération entre les deux pays et les volumes d’affaires, non seulement sous forme d’échanges commerciaux mais aussi d’investissement. Pour cela, nous travaillons pour renforcer l’attractivité des entreprises britanniques pour les amener à s’installer en Tunisie. Nous œuvrons aussi pour ouvrir le marché britannique aux produits et services des entreprises tunisiennes. Cela dit, le contexte de ces dernières années est un contexte qui n’aide pas ; en particulier la baisse des fondamentaux de l’attractivité et la série des attentats terroristes, en particulier celui de Sousse qui a frappé quasi-exclusivement les Britanniques.

Nous avons intensifié nos visites en Grande-Bretagne et maintenu de façon permanente les contacts, la concertation et le dialogue avec les parties prenantes. L’actuelle ambassadrice est très engagée pour relever le niveau de coopération. Au-delà, j’estime que nous avons une belle fenêtre, avec le Brexit. Les britanniques expriment un regain d’intérêt pour la Tunisie et c’est à nous de canaliser cet intérêt et de le transformer en véritables opportunités.

Et donc ?

C’est maintenant qu’il faut appuyer sur le champignon en mettent en œuvre une démarche structurée qui passe par l’identification des secteurs et des créneaux où nous disposons d’atouts à faire valoir, le but étant d’attirer de nouveaux investissements et d’augmenter le volume d’exportation des biens et des services vers la Grande Bretagne. Il y a d’abord l’agroalimentaire dans ses deux composantes que sont l’agriculture et l’industrie de transformation. Ici, nous ne voulons pas réduire la coopération au volet de débouchés commerciaux pour nos produits phares comme l’huile d’olive et les dattes. Dans l’agroalimentaire, nous voulons susciter des partenariats industriels pour que les entreprises britanniques appartenant à ce secteur s’implantent en Tunisie, via des partenariats avec des opérateurs tunisiens et/ou des exportateurs. Pour cela, nous devons notamment mettre en valeur la très grande qualité des produits agricoles tunisiens.

Peut-on dupliquer ce modèle dans d’autres secteurs ?

L’éducation ! Car il faut garder à l’esprit que la Grande-Bretagne est la deuxième plus importante destination universitaire des étrangers après les Etats-Unis. De plus, le modèle de l’enseignement britannique  est recherché dans le monde entier. C’est un secteur que nous voulons développer en attirant les universités anglaises en Tunisie et favoriser des logiques de partenariats avec des acteurs locaux pour se développer en Afrique et/ou attirer des étudiants des pays africains. La croissance démographique de l’Afrique et l’émergence d’une importante classe moyenne sont pour nous une opportunité stratégique et un énorme gisement de croissance. Il y a un troisième secteur qui apparaît dans la stratégie promotionnelle de la Chambre, en l’occurrence, celui de la santé. C’est un terrain fondamental sur lequel Tunisiens et Britanniques peuvent bâtir un partenariat. Non seulement le marché britannique a un besoin en matière de santé mais d’un autre côté, la Grande-Bretagne a un savoir-faire mondialement reconnu en matière de gestion des structures de santé et des hôpitaux. L’idée est d’inciter les Britanniques à investir en Tunisie dans le domaine de la santé, créer de grands centres hospitaliers qui seront des pôles d’excellence et de brand pouvant faire de la Tunisie une ‘destination santé’ crédible et internationale.

Donc, vous prônez un renouveau de notre modèle économique ?

C’est bien juste et nous voulons élargir cette logique à d’autres secteurs. Celui de l’entrepreneuriat, par exemple, où la Tunisie commence à avoir une belle histoire à raconter avec son classement mondial dans les domaines de l’innovation et de l’entrepreneuriat et la genèse d’une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs talentueux. Nous devons inciter les Britanniques à investir dans notre écosystème entrepreneurial et notamment dans le secteur des technologies et créer un pont entre les deux écosystèmes. Il en ressortira des pépites tunisiennes qui auront une vocation internationale et contribueront à révolutionner l’image du pays. J’ajoute aussi dans ma réflexion le domaine des énergies renouvelables où la Grande-Bretagne dispose d’une vraie expertise. Un partenariat avec les Britanniques pourrait s’inscrire dans la volonté de la Tunisie de réussir sa stratégie de transition énergétique.

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