
Vista Bank vient d’obtenir l’autorisation d’opérer en France. Comment cela va-t-il se matérialiser ?
Je suis ravi de partager avec vos lecteurs l’excellente nouvelle qui est l’implémentation de ce qui sera une banque à temps plein, une succursale de Vista Bank Burkina, et qui va opérer en tant que banque de plein exercice. Elle nous permettra d’apporter des services de Corresponding banking pour faciliter la promotion du commerce entre l’Afrique et le reste du monde.
Du point de vue des membres de la diaspora africaine, travailleur, ménage, d’un entrepreneur, quelle est la spécificité de Vista Bank ?
J’en distingue plusieurs. La plus importante tient au fait que les membres de la diaspora – j’en fais partie ! –, cherchent à participer à l’éclosion, à l’effort économique de nos pays. Or, nos États aussi, cherchent à mobiliser auprès de la diaspora. L’une de nos priorités sera donc de proposer des produits obligataires pour permettre à la diaspora de participer au développement économique, au financement des plans nationaux de développement économiques et sociaux (PNDES) de nos pays.
Plus simplement, nous proposerons des instruments qui permettront aux membres de la diaspora d’investir dans leur pays d’origine. Comme vous le soulignez, la diaspora est très entrepreneuse et envisage des entreprises en Europe, aux États-Unis, au Moyen-Orient. Notre plateforme nous permettra de les accompagner dans ce sens. Elle permettra aussi aux entrepreneurs africains ou aux grandes entreprises qui opèrent sur le continent de réaliser des transactions avec le reste du monde et de profiter de la croissance de l’Afrique, de son énorme potentiel. Cette structure française facilitera le mouvement des biens et des services entre l’Afrique et le reste du monde.
Nous voyons aujourd’hui que l’Afrique est très tournée vers l’Asie, ainsi que vers le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord. Il est naturel que nous regardions comment accompagner nos clients dans ces pays.
Vous parlez de biens et services, mais l’un des apports de la diaspora, c’est aussi les transferts de fonds.
Certes, mais nos banques ont déjà une offre spécifique pour la diaspora, nous voulons aller au-delà des produits classiques. En effet, la diaspora cherche à investir son argent, et nos États sont demandeurs, ils souhaitent faire participer la diaspora à la construction du tissu économique. C’est à travers ces émissions-là que nous pensons que nous pouvons accompagner nos États à mobiliser auprès de la diaspora. Tout un programme économique sera mis à la disposition de la diaspora pour qu’elle joue pleinement son rôle pour le développement de nos pays.
Aurez-vous, de Paris, une offre spécifique pour les entrepreneurs ?
Nous offrirons des conseils pour les aider à mobiliser des ressources nécessaires à leur projet. Nous proposerons des financements sur-mesure, dessinés pour les accompagner, que ce soit en matière de leasing, d’affacturage, voire de levée de capitaux sur les marchés. Et bien sûr, nous jouerons notre rôle de banque correspondante afin de confirmer les lettres de crédit au nom de nos clients de part et d’autre, afin de leur permettre d’accéder aux équipements et aux services et ainsi rendre opérationnel les contrats signés localement, en Afrique.
Désormais, l’Afrique est globalement ancrée dans les échanges avec le marché mondial et notre appui permet de faciliter ces transactions entre le continent et le reste du monde. À travers cette implantation en France, nous connecterons aussi l’Afrique à l’Afrique, à la faveur du partenariat conclu avec Afreximbank, au sein du système de paiements PAPSS. Vista est l’intermédiaire localement pour procéder à des paiements dans nos pays. Ainsi, nous sommes au cœur de la promotion du commerce entre Africains, et au cœur du commerce entre l’Afrique et le reste du monde.
Quelles sont vos initiatives pour « dérisquer » l’Afrique ?
Nous ne pensons pas que l’Afrique soit risquée ! Et notre présence en France, sur les marchés internationaux, nous permettra d’ailleurs de montrer aux financiers mondiaux que les risques sont maîtrisés, sur le continent.
La première chose, c’est de pouvoir appuyer nos banques, et à travers elles, leur clientèle. Les affaires que nous suivons supposent déjà un « KYC » (connaissez votre client) robuste, un processus qui respecte les normes et les standards internationaux. Une étape nécessaire qui permet d’intégrer nos clients dans la chaîne de valeur du marché international pour qu’ils puissent nouer des affaires avec le monde.
Ainsi, nous allons offrir ce lien naturel à nos clients de Vista France dans les pays de Vista Bank en Afrique, lesquels bénéficieront aussi de notre présence en France pour pouvoir avoir accès au marché des capitaux. Cela permettra aussi de réduire les coûts. Or, les coûts des transactions sont une part de la perception du risque que vous évoquez.
Bien sûr, nous avons aussi des produits de garantie pour dérisquer les transactions. Vista France servira de catalyseur dans la mobilisation des capitaux, afin d’investir, travers nos banques, dans les pays dans lesquels nous opérons, ainsi que garantir des prêts directement aux particuliers, à nos clients et aux États.
Pour tout cela, nous nouons des partenariats avec des institutions financières du développement, Afreximbank – notre premier partenaire stratégique –, Proparco, la belge BIO, la SFI, la BAD, la BID, la BOAD , la BIDC, sans oublier notre partenaire américain JP Morgan, etc.
Ces grandes institutions financières nous accompagnent dans notre offre de produits financiers.
Les besoins exprimés de la diaspora, en matière de création d’entreprise, ne sont pas forcément ceux de l’Afrique.
C’est exact. Je crois que la problématique de la diaspora, c’est l’information. Il nous faut davantage informer la diaspora des opportunités qui existent en Afrique. Beaucoup d’Africains ont passé beaucoup trop de temps à l’étranger, et ils ont besoin d’être informés des opportunités de l’Afrique !
Pour notre part, nous conseillons aux États de promouvoir leur PNDES auprès de la diaspora, avant de le présenter à ceux qui ne sont pas Africains. La diaspora a la capacité, les moyens et les ressources de contracter et implémenter certains projets dans l’énergie, dans l’infrastructure, dans l’alimentation, dans l’agriculture, dans l’eau.
Si l’Afrique est globalement tournée vers le monde, elle dispose aussi d’une diaspora dynamique, prête à s’impliquer dans le développement économique de nos pays. Et c’est à nos banques de pouvoir faciliter ce lien-là entre nos États et la diaspora.
Vista Group, pour le moment, est essentiellement francophone. On dit l’Afrique francophone moins ouverte à l’international, moins dynamique…
C’est une question d’état d’esprit ! Selon moi, c’est un cliché de dire que l’Afrique francophone n’est pas dynamique. Voyez Vista, ce qui nous caractérise, ce qui a fait notre succès, c’est l’innovation. Nous sommes tournés vers la digitalisation de nos services, vers la structuration de transactions complexes et la mobilisation de ressources pour pouvoir nos États et nos entrepreneurs. Vous me répondrez peut-être qu’il s’agit là d’un état d’esprit anglophone mais il n’en est rien !

En matière de produits financiers, 2024 a été pour l’Afrique l’année des Green Bonds, de grandes opérations structurantes. C’est une voie sur laquelle vous vous engagez ?
Absolument, c’est ce qui a fait notre projet. Appuyer nos États, cela veut dire les aider à structurer ces grandes transactions. C’est pourquoi nous finançons de grands projets qui bâtiront les infrastructures essentielles au développement de nos pays, à long terme. C’est ce qui a fait notre force, parce que nous avons eu cette capacité de structurer des produits, d’accéder aux marchés des capitaux, de conduire une syndication en attirant d’autres investisseurs, d’autres partenaires financiers, autour de financements de projets d’infrastructures, dans nos pays africains.
Dès lors, la plateforme Vista France, notre présence en France et notre accès au marché international nous permettront encore de pouvoir augmenter cette capacité de mobilisation à l’international pour accompagner nos pays.
En quoi Vista « facilite le commerce africain », comme l’écrit votre communication financière ?
L’Afrique vend beaucoup au monde entier et l’Afrique importe aussi du monde entier. Il faut donc une banque pour accompagner les opérateurs. Et une banque qui apporte les instruments pour répondre à ces besoins, qui sont souvent critiques. Vista France joue pleinement son rôle de facilitateurs. Notre implantation africaine permet aussi aux entrepreneurs de la diaspora dont nous parlions de saisir les opportunités en Afrique, non seulement dans leur pays d’origine, comme ils en expriment le désir. Avec nos partenaires, notre ambition et notre objectif, c’est de créer les champions locaux et les champions africains.
C’est pourquoi nous encourageons effectivement la diaspora à s’informer sur le potentiel économique des différents pays, que ce soit en Côte d’Ivoire, au Sénégal, au Nigeria, au Burkina Faso, au Niger ou au Mali, ou en Afrique centrale, ou en Afrique australe. Nous y trouvons des projets très dynamiques et structurants !
Et nous pensons que la diaspora, de par son expertise et la capacité, doit être la première à engager, à pouvoir en fait participer à cet élan économique que nous voyons partout en Afrique. Et nous, banquiers, sommes là pour accompagner ; nous sommes une banque à vocation universelle et nous accompagnons les PME-PMI, les grandes entreprises, les États, etc.
Venons-en pour finir à Vista Group. Ces derniers mois ont été riches en acquisitions et opérations, avec le retrait des banques européennes d’Afrique. Pensez-vous que cela va se poursuivre ?
Sans doute. Le tissu bancaire africain continue de se redessiner, à travers la sortie totale des banques internationales ; ce que nous avions prévu voici dix ans, lorsque des contraintes nouvelles ont été imposées aux grands groupes bancaires européens et américains, à travers Bâle III.
Il nous appartient à nous, banque panafricaine, de prendre notre responsabilité, d’être en mesure d’acquérir des actifs pour assurer la continuité du financement de nos économies.
Effectivement, 2024, pour nous, a été marquée par l’acquisition de la Société Générale Mozambique qui nous a permis d’étendre nos activités. Le Mozambique est un pays en pleine croissance et beaucoup de grandes entreprises opèrent là-bas dans le domaine minier, pétrole et gaz, ainsi que dans l’agriculture. Donc, nous comptons capitaliser sur l’opportunité que le Mozambique offre pour pouvoir étendre la panoplie de nos services là-bas. Et à travers le Mozambique, effectivement, on continue à le connecter avec les autres pays de l’Afrique australe.
En 2025, nous aurons d’autres acquisitions aussi à annoncer. Pour l’instant, je crois que le plus important pour nous, c’est l’implémentation de Vista France qui facilite notre accès au marché international.
Notre appétit n’est pas insatiable. Nous finançons nos acquisitions par nos ressources propres. Et nous sommes aussi accompagnés par Afreximbank et JP Morgan dans notre stratégie de croissance.
Notre plateforme permettra aussi aux entrepreneurs africains ou aux grandes entreprises qui opèrent sur le continent de réaliser des transactions avec le reste du monde et de profiter de la croissance de l’Afrique, de son énorme potentiel.
D’autres implantations sont envisagées, par exemple à Londres ?
Oui, à Londres ; nous regardons aussi du côté de l’Amérique du Nord, du côté de l’Asie et du côté du Moyen-Orient. En fait, nous regardons les marchés stratégiques pour le commerce entre l’Afrique et le reste du monde ! Et vous voyez aujourd’hui que l’Afrique est très tournée vers l’Asie, ainsi que vers le Moyen-Orient et l’Amérique du Nord. Il est naturel que nous regardions comment accompagner nos clients dans ces pays.
Plus généralement, nous explorons les voies et moyens qui nous rapprochent d’une banque panafricaine, afin d’accompagner les entreprises dans le cadre de la ZLECAf. Le marché unique va requérir des banques qui ont les muscles et les ressources nécessaires pour pouvoir couvrir les différents marchés régionaux ! Vista Group a cette ambition. Cela ne passe pas forcément par des acquisitions ; au Nigeria, en Afrique du Sud, par exemple, nous avons de la place pour des partenariats, tandis que les banques locales sont en pleine croissance.
SOURCE : NEWAFRICAN