La Saison Bleue : Les femmes et la mer

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La mer a longtemps été un domaine réservé aux hommes, inspirant à la fois terreur, fascination et admiration. Milieu considéré comme hostile, seuls les hommes prenaient la mer, et la mer prenaient parfois les hommes, laissant les femmes veuves ou orphelines. Les sirènes, ensorcelantes et cruelles, étaient alors les seules femmes des mondes marins. D’ailleurs, pendant longtemps les marins ont eu de nombreuses superstitions, parmi lesquelles, celle de la femme à bord qui porte malheur. Pourtant, les femmes ont toujours eu une relation forte avec la mer, il y a eu des femmes navigatrices, exploratrices, entrepreneuses, exploitant les ressources que la mer pouvait offrir pour faire vivre ou survivre leur famille. 

Aujourd’hui, les choses changent et bien que les femmes soient sous-représentées dans le secteur maritime, nous devons les encourager à conquérir ce monde et à investir les carrières autrefois réservées aux hommes. D’ailleurs, de nombreuses filières s’ouvrent de plus en plus aux femmes, entre les activités professionnelles relatives au port (douanier, docker, gardien de phare, avitailleur…) et à l’administration chargée de la mer (inspecteur des affaires maritimes), sans oublier les métiers de pêche (marin-pêcheur), la navigation de plaisance (capitaine de yacht, skippeur…), la marine marchande (capitaine de navire, maître d’équipage, timonier, mécanicien, agent de maintenance, officier radio…) ou les métiers des professionnels portuaires comme plongeur, océanologue, menuisier en construction de bateaux, biologiste marin, météorologiste, etc. 

En Tunisie, sur cette question, plus qu’ailleurs, le ton est donné. Un nouveau secrétariat général des Affaires de la Mer est créé en 2019 et, est confié à l’ancienne ministre de la Femme, Asma Shiri Laabidi.  La cheffe de gouvernement tunisien, Najla Bouden, représentait son pays au One Ocean Summit à Brest le 11 février 2022, rare femme leader présente à ce grand rendez-vous maritime international. C’est un signal fort, qui peut être compris comme un encouragement fait aux femmes pour s’engager dans les carrières liées à la mer, dans des institutions de formations maritimes, comme l’Institut méditerranéen de formation aux métiers de la mer de Rades, l’Ecole navale de Bizerte ou encore l’Institut national des Sciences et Technologies de la Mer (INSTM). 

Les femmes, qui s’engagent dans l’économie bleue, partagent leur passion de la mer, pour s’en nourrir ou la protéger, ou les deux. Nous constatons, depuis quelques années, l’émergence, nécessaire, de plusieurs voix féminines, actives dans la protection de l’environnement marin et engagées dans une économie durable. La mer a besoin des femmes et des hommes : il aura fallu des siècles pour que cette Terra Incognita de l’Antiquité révèle ses secrets grâce à l’évolution scientifique et se dévoile à nous, sans pour autant cesser, parfois, de nous effrayer. La mer est aujourd’hui menacée par la pollution et le réchauffement climatique, comme si nous n’avions trouvé d’autres moyens pour la dompter et la maîtriser que de l’abîmer. Des universitaires, des chercheures et des activistes, comme Emna Sohlobji, Camélia Mathlouthi, Oula Amrouni, Leila Basti, des marines, comme Houda Sghaier, première femme capitaine de la marine marchande en Tunisie, ou Siwar, première femme commandante d’une unité navale de la marine nationale, sont autant d’exemples de l’engagement des femmes dans le domaine maritime et pour le domaine maritime. Elles témoignent de la place des femmes dans notre société, dans un secteur où l’on doit encore les soutenir pour qu’elles arrivent aux plus hauts postes de direction. Ces femmes forment un réseau, certes timide encore, mais en pleine expansion. Il permet les connexions et les échanges d’expériences entre elles, afin d’attirer les plus jeunes dans ce secteur et améliorer les compétences et les carrières de celles qui y sont déjà engagées. Des associations sont également très présentes sur ce terrain, à la fois de la préservation du milieu marin et de celui des économies bleues durables. Elles travaillent à porter les voix de celles et ceux qui militent pour un monde durable, tels l’Association La Saison Bleue, l’Association Tunisienne de Droit Maritime, WWF Tunisie, l’Association Tunisienne pour le développement de la pêche artisanale ou encore Abysse Plongée, pour n’en citer que quelques-unes. 


Rym Benzina, présidente de La Saison Bleue, est de celles qui œuvrent au quotidien pour la protection de la mer, elle rappelle d’ailleurs que : 

«Si nous parlons de construire un monde durable, comment le faire sans une présence accrue des femmes dans le secteur maritime ? Selon l’OMI, «les femmes sont les plus sous-représentées dans les secteurs d’activités de la filière maritime. Elles ne représentent que 2% du 1,2 million de marins employés dans le monde tandis que 94% d’entre elles travaillent dans le secteur des croisières». Il est donc bien amplement temps de mettre en lumière le rôle des femmes en mer. Qu’elles soient navigatrices, exploratrices, chercheuses, scientifiques, marins, capitaines de bord, pêcheuses, dirigeantes et décideuses du secteur «économie bleue durable». Sans elles, pas de vie. Sans elles, pas de progrès. Habib Bourguiba le disait : «par les femmes, des communautés, des entreprises, des états peuvent aspirer à un meilleur avenir, à une meilleure croissance socio-économique

C’est donc bien dans ce sens que nous devons œuvrer et travailler à une meilleure représentation des femmes dans le domaine de la mer, en suivant les pas d’une navigatrice audacieuse : la Reine Didon, qui fit de Carthage la première puissance maritime à régner sur toute la Méditerranée. 

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