
Le Livre Blanc sur la formation des ingénieurs en Tunisie, publié par le Ministère de l’Enseignement Supérieur, l’ATUGE, l’UTICA, l’Agence Française de Développement, et l’Ordre des Ingénieurs Tunisiens, mérite une analyse approfondie en raison de ses insuffisances notables. Bien que l’initiative soit louable, plusieurs lacunes majeures nuisent à son efficacité.
Les recommandations stratégiques, en raison de leur caractère générique, manquent de spécificité et pourraient s’appliquer à d’autres professions, diluant ainsi leur pertinence pour le secteur de l’ingénierie. Le rapport s’appuie sur des données obsolètes, ignorant les statistiques récentes pourtant disponibles auprès des autorités concernées. Cette absence de mise à jour compromet la pertinence des solutions proposées.
La vision proposée reste étroite, ne tenant pas suffisamment compte des défis économiques et industriels propres à la Tunisie. De plus, la fuite des cerveaux, notamment l’émigration des ingénieurs boursiers formés à l’étranger, est sous-estimée, bien qu’elle constitue une problématique cruciale pour le développement du pays.
L’absence du Ministère de la Formation Professionnelle dans le comité de rédaction du rapport est une omission importante, privant le document d’une perspective complète sur l’employabilité et les passerelles entre les différentes filières de formation. Cette exclusion limite la portée des propositions en matière d’intégration professionnelle.
Une contradiction notable réside dans la reconnaissance des accréditations internationales obtenues par plusieurs écoles d’ingénieurs, juxtaposition qui met en cause le respect des standards internationaux. Cette incohérence affaiblit la crédibilité du document. Par ailleurs, une obsession pour le modèle français freine l’ouverture à des approches alternatives ou plus innovantes, telles que l’adoption de modèles anglo-saxons.
La digitalisation des travaux pratiques est envisagée sans étude préalable, risquant ainsi de déconnecter la formation des besoins réels de l’industrie. Les problèmes de gouvernance des écoles, bien que soulevés, manquent d’une explication claire et détaillée sur les défis et les impacts réels. Enfin, la redondance des formations est affirmée sans analyses chiffrées, ce qui manque de justifications objectives.
En conclusion, ce Livre Blanc nécessite une révision rigoureuse et une refonte pour mieux répondre aux besoins actuels du marché tunisien. Il devrait intégrer une diversité de perspectives, incluant celles des jeunes ingénieurs et étudiants, afin de proposer des réformes pertinentes et ancrées dans la réalité. L’avenir de la formation des ingénieurs en Tunisie dépend d’une approche plus innovante et inclusive.
En outre, #Carthage est à reconstruire.
Par Kais Mabrouk