Université Dauphine Tunisie – Amina Bouzguenda Zeghal : « Innover, toujours ! »

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Amina Bouzguenda Zeghal dirige depuis 10 ans l’Université Dauphine Tunis, établissement d’enseignement supérieur reconnu pour l’excellence académique de ses programmes. Engagée dans le développement de l’éducation en Tunisie, elle est également très attachée à la promotion des femmes dans la société comme dans l’entreprise. Au programme de ses défis futurs, développer l’offre de programmes du Campus de Dauphine, pour être toujours à la pointe de la formation et de l’inclusion.

Vous êtes connue pour votre engagement dans la promotion de l’éducation, de l’entrepreneuriat et des droits des femmes. Pouvez-vous nous parler de certaines initiatives spécifiques que vous avez soutenues ou développées ?

Aujourd’hui, c’est un combat qui, pour moi, va de pair avec celui de l’éducation. Néanmoins, la nécessité de m’engager en faveur des femmes remonte à 2011 et s’appuie davantage sur ma prise de conscience du besoin de lutter contre la pauvreté des femmes en Tunisie et contre l’inégalité régionale. A cette date, l’urgence de venir en aide à ces femmes particulièrement accablées par leur condition économique et sociale nécessite que je m’engage dans cette voie. Avec une quinzaine d’amies tunisiennes, toutes dans des postes à responsabilité, nous avons décidé de créer une association dont le premier objectif a été d’aider, dans l’urgence, et qui a ensuite évolué vers une forme d’aide plus constructive avec la mise en place d’une structure de microfinance à travers INAAM, une société d’investissement qui a investi ensuite dans Advans Tunisie. Aujourd’hui, Advans Tunisie est devenu le 1er opérateur de microfinance créé après la Révolution. Mon engagement a pris aussi d’autres formes, notamment au sein de « Women’s Forum » un réseau international visant à transformer le pouvoir des voix et des perspectives des femmes en initiatives économiques avant-gardistes pour le changement sociétal. Nous avons invité une délégation de femmes tunisiennes contribuant au monde économique en Tunisie à prendre part à des événements internationaux du forum. Je continue à participer à une autre association, « Femmes Forum », visant à faire rayonner les femmes leaders au-delà des frontières de leurs pays.

Selon vous, quelles sont les principales barrières que rencontrent les femmes en Tunisie dans le monde des affaires, et que proposez-vous pour les surmonter ?

Je constate que nous sommes de plus en plus nombreuses à percer le « plafond de verre » et à accéder à des postes à responsabilités même s’il y a encore beaucoup à faire pour l’égalité homme-femme y compris dans l’entreprise. De ce point de vue-là, nous restons trop bas dans les classements internationaux : 126ème dans le Gender Gap qui chiffre à seulement 27% la participation des femmes à notre vie économique. C’est bien trop peu ! Mais ce n’est pas un combat tuniso-tunisien, loin de là ; notre pays, il faut le reconnaître et s’en réjouir, a toujours été à l’avant-garde du combat des femmes dans le monde arabe mais aussi par rapport à bon nombre de pays occidentaux. A mon sens, l’une des premières barrières à l’inclusion des femmes réside dans l’auto censure. Le dire, ce n’est pas dédouaner la responsabilité de la société tout entière ou même incriminer la gente féminine ; le dire, c’est prendre conscience de la barrière mentale que peuvent se mettre les femmes dans leur projection et développement de carrières. Par exemple, au bac, les filles réussissent mieux que les garçons ; 60% de nos bacheliers sont des bachelières ! Mais on les retrouve moins nombreuses dans les filières universitaires scientifiques. J’ai envie de dire aux adolescentes tunisiennes « Faites des maths ! Ce n’est pas une discipline réservée aux hommes… ». La science doit être un espace d’épanouissement pour toutes les femmes et à Dauphine, nous constatons le brio avec lequel nos jeunes étudiantes performent en maths, en informatique, en big data, en actuariat….

Justement, comment encouragez-vous la diversité et l’inclusion au sein de Dauphine à Tunis ?

C’est une préoccupation de chaque instant, car la question va bien au-delà de la seule promotion des femmes. En tant qu’université, notre rôle est aussi de permettre l’accès à l’excellence académique de nos programmes à tous ceux qui pensent ne pas y avoir droit du fait de leur origine sociale ou géographique. Nous avons bien sûr des programmes de Bourses « Egalité des chances » mais c’est un schéma classique propre à toute institution privée d’enseignement supérieur et c’est nettement insuffisant. Dès lors nous avons innové en développant un programme de « matching » entre l’étudiant et l’entreprise, baptisé UJobs. C’est très simple, nous signons avec un partenaire une convention dans laquelle nous identifions ses besoins en termes de ressources et lui proposons une CVthèque d’étudiants admis dans nos masters dont il financera les études à Dauphine tout en lui apportant une expérience professionnelle contractuelle. Le schéma est gagnant gagnant : gagnant pour l’étudiant qui décroche à la fois une expérience professionnelle avec un emploi et un financement de ses études en master ; gagnant pour l’entreprise qui a l’assurance de recruter une ressource formée à l’excellence académique des programmes de Dauphine ; gagnant pour l’université qui diversifie l’origine sociale et géographique de ses étudiants et encourage ainsi l’inclusion. La 1ère expérience UJobs démarre à la rentrée de septembre avec une dizaine d’étudiants recrutés dans le cadre de UJobs-Deloitte. Le cabinet d’audit et de conseil international est le 1er partenaire à signer une convention avec Dauphine pour ce programme et nous sommes en voie de signer deux autres conventions avec de nouveaux partenaires, pour cette rentrée également. Cette formule est tellement innovante que nous proposons même aux étudiants recrutés d’enregistrer une expérience professionnelle à l’international avec un poste de travail basé à Casa ou à Dubaï. C’est dire le tremplin que constitue UJobs ! J’invite d’ailleurs les étudiants intéressés à suivre nos réseaux sociaux car nous en ferons très bientôt l’annonce et dès la publication de ces nouveaux partenariats, ils pourront candidater en ligne directement sur notre site.

Comment voyez-vous l’évolution de l’éducation supérieure en Tunisie, et quelles initiatives prenez-vous pour rester à la pointe de cette évolution ?

UJobs incarne l’évolution que j’appelle de mes vœux à savoir le développement de concepts innovants pour démocratiser l’accès à l’éducation. Dans un monde en perpétuelle évolution, où plus de 60% des emplois dans l’IA, le big data, la cybersécurité, l’actuariat, etc, ne sont pas pourvus faute d’experts, il y a un espace pour l’innovation dans l’éducation. L’innovation d’abord dans les programmes, c’est une évidence et à Dauphine Tunis, nous sommes en perpétuelle évolution de nos cursus pour anticiper tous les développements du marché de l’emploi avec l’apport académique de l’Université Paris Dauphine-PSL, pôle reconnu pour son excellence. L’innovation ensuite dans les formats de programmes. A titre d’exemple, Dauphine Tunis accorde une grande importance à son pôle de formation continue. Compte tenu des évolutions rapides du marché, il y a un besoin continu d’ « upskiller » et de « reskiller » les compétences des collaborateurs. Un diplômé doit sans cesse se former aux nouvelles tendances, aux nouveaux supports, aux apports technologiques qui modifient la pratique de son métier et la pertinence de son expertise. Aujourd’hui, aucune carrière professionnelle ne peut se construire sans une mise à jour de ses compétences et expertises ; c’est pourquoi à Dauphine Tunis, le département Executive Education est très agile pour proposer de nouvelles formations diplômantes ou certifiantes. Nous proposons par exemple un MBA très formateur pour les femmes chefs d’entreprise ou occupant un poste de management. Bien-sûr il est aussi ouvert aux hommes…. Nous avons aussi des formations dans le domaine de la gestion des risques, de l’ESG ou RH, dans le secteur de la santé ou des assurances. A chaque fois, il s’agit de formations très en pointe pleinement connectées à la réalité du terrain. Dauphine est en cela le creuset d’une nouvelle façon d’appréhender l’éducation où l’innovation de la forme comme du fond est le maître-mot !

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