
La rentabilité des banques tunisiennes se trouve confrontée à de nouvelles contraintes réglementaires, selon Fitch Ratings.
Ces mesures comprennent des réductions de taux d’intérêt sur certains prêts à taux fixe et l’obligation pour les banques d’accorder des prêts sans intérêt selon des montants prédéfinis.
En parallèle, le taux d’imposition des bénéfices bancaires augmentera à 40 % dès le 1er janvier 2024, contre 35 % précédemment, tandis que des plafonds seront appliqués sur certaines commissions et frais.
Malgré ces pressions, Fitch ne prévoit pas de dégradation des notations des établissements bancaires du pays, précise le communiqué.
Des taux réduits et des prêts sans intérêts imposés
Une réglementation introduite l’an passé permet désormais aux emprunteurs dont les paiements d’intérêts à taux fixe ont excédé 8 % du capital restant dû entre janvier 2022 et septembre 2024 de solliciter une réduction de moitié du taux pour le reste de la durée du prêt. Les banques sont dans l’obligation d’accéder à toutes ces demandes.
D’après Fitch, cette mesure pourrait amputer les bénéfices nets des dix plus grandes banques tunisiennes d’environ 170 millions de dinars en 2025, soit 11 % de leur bénéfice net annualisé au premier semestre 2024. Toutefois, l’impact pourra être lissé sur plusieurs exercices comptables.
Par ailleurs, une nouvelle réglementation imposera prochainement aux banques d’accorder des prêts sans intérêt équivalant à 8 % de leur revenu net 2024 aux micros, petites et moyennes entreprises. Fitch estime que cette disposition entraînera une perte de revenus d’environ 50 millions de dinars pour les dix principales banques en 2025, représentant 3 % de leur bénéfice net annualisé au premier semestre 2024.
Vers un changement des pratiques financières
Ces ajustements visent à correspondre aux effets d’une loi adoptée en février 2025, qui interdit l’utilisation des chèques postdatés pour les paiements échelonnés. Très courante en Tunisie, cette pratique facilitait le paiement en plusieurs fois pour les consommateurs et les petites entreprises. Son interdiction risque donc de perturber significativement la gestion de trésorerie des emprunteurs.
Selon les prévisions de Fitch, ces deux nouvelles réglementations devraient réduire les bénéfices nets des dix plus grandes banques d’environ 14 % en 2025. Cette baisse, bien que par conséquent, ne suffira pas à affecter leurs notations, mais exercera une pression accumulée sur une rentabilité déjà jugée faible par rapport aux normes des marchés émergents. En effet, le rendement moyen des fonds propres du secteur n’a atteint que 10 % entre 2022 et le troisième trimestre 2024, un niveau modeste face à une inflation moyenne de 8 % sur la même période. Fitch maintient sa note de l’environnement opérationnel des banques tunisiennes à ‘ccc+’ .
Des marges réduites et des réserves renforcées
La rentabilité des banques tunisiennes est également impactée par une croissance modérée des prêts depuis 2022, le plafonnement des taux d’intérêt, des charges d’exploitation en hausse et le durcissement des exigences de provisionnement imposées par la Banque Centrale de Tunisie (BCT). En janvier 2025, la BCT a ainsi renforcé les règles de calcul des provisions générales, contraignant les banques à constituer des provisions supplémentaires d’un montant total de 100 millions de dinars. Si cette mesure pèsera sur les résultats à court terme, elle vise à préparer le secteur à l’adoption des normes IFRS 9, prévues dès 2026 .
Malgré un environnement économique difficile, les banques tunisiennes affichent des ratios de capital stables, avec un ratio Tier 1 de 11,7 % et un ratio de solvabilité de 14,5 % à fin septembre 2024. La BCT a par ailleurs limité les dividendes bancaires à 35 % du revenu net 2024, conditionnant leur répartition à des niveaux de capital supérieurs d’au moins 2,5 points aux exigences minimales. Ces mesures visent à renforcer les réserves de capital des banques face aux défis à venir.