Tunisie : Fin de la sous-traitance, Deloitte décrypte une réforme historique du travail contre la précarité

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Le cabinet d’audit et de conseil Deloitte MS Louzir a passé sous sa loupe la nouvelle législation tunisienne relative à l’organisation des contrats de travail et à l’interdiction du recours à la sous-traitance.

Promulguée le vendredi 23 mai 2025, et publiée au Journal officiel de la République tunisienne (JORT), dans son édition n°61 sous la référence législative n°9/2025, cette réforme engage une refonte en profondeur du code du travail. Cette nouvelle mesure vise à renforcer la stabilité de l’emploi et à garantir une meilleure protection des travailleurs tunisiens. En instaurant le contrat à durée indéterminée (CDI) comme la forme normale et générale de la relation de travail, la nouvelle loi entend ériger le CDI en socle de référence. Tout contrat de travail est désormais présumé conclu pour une durée indéterminée, sauf exception strictement encadrée.

Les contrats à durée déterminée (CDD) deviennent l’exception et ne pourront être utilisés que dans des cas bien précis : remplacement temporaire d’un salarié absent, augmentation exceptionnelle et temporaire de l’activité, ou encore travaux de nature saisonnière. Le non-respect de ces dispositions exposera les employeurs à des sanctions pécuniaires allant de 100 à 300 dinars par travailleur, avec un plafond d’amende fixé à 10 000 dinars au total.

La réforme prévoit également la conversion automatique de tous les CDD en cours, signés avant l’entrée en vigueur de la loi, en contrats à durée indéterminée. Cette transformation s’effectuera avec prise en compte de l’ancienneté acquise, garantissant aux salariés une continuité de droits.

Le texte encadre aussi la période d’essai. Celle-ci ne pourra excéder six mois et ne sera renouvelable qu’une seule fois pour une durée équivalente. En cas de rupture du contrat durant cette période, un préavis de quinze jours devra impérativement être respecté. Si l’employeur souhaite ensuite réembaucher le salarié, il ne pourra le faire que dans le cadre d’un CDI.

La sous-traitance de main-d’œuvre, souvent utilisée pour contourner les obligations liées au contrat direct, est désormais prohibée. Les contrevenants s’exposent à de lourdes amendes : 10 000 dinars pour les personnes physiques, 20 000 dinars pour les entreprises concernées, et 10 000 dinars supplémentaires à l’encontre du représentant légal ou du directeur de la société si leur implication dans un recrutement sous-traité est prouvée. En cas de récidive, une peine d’emprisonnement de trois à six mois est prévue.

Toutefois, la loi laisse une marge de manœuvre en matière de services externalisés. Les entreprises pourront toujours recourir à des prestataires extérieurs pour des activités qui ne relèvent pas de leur cœur de métier. Ces sociétés devront alors fournir une garantie financière destinée à assurer le paiement des salaires et la couverture sociale de leurs employés. De plus, l’entreprise cliente sera solidairement responsable de l’application de la loi aux salariés concernés.

Pour faciliter la transition, plusieurs dispositions transitoires ont été intégrées. Ainsi, les salariés employés par des sociétés de sous-traitance seront automatiquement titularisés au sein de l’entreprise bénéficiaire du service à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi. Par ailleurs, les CDD en cours seront convertis en CDI sans période d’essai, à condition que le salarié poursuive son activité après l’échéance initiale du contrat, avec maintien de l’ancienneté.

Enfin, la loi prévoit un mécanisme de titularisation automatique pour les salariés liés par un CDD d’une durée minimale de quatre ans, à condition que ce contrat ait été signé avant l’entrée en vigueur de la loi et enregistré depuis le 6 mars 2024. Dans ce cas, toute rupture du contrat entraînera la titularisation de plein droit du salarié concerné.

 

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