L’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Études Quantitatives (ITCEQ) a récemment publié une note sur l’état des ressources humaines en Tunisie.
Selon leur enquête pour 2022, l’indice de ce pilier crucial a chuté pour la première fois sous la barre des 74/100, atteignant 68,7/100. Ce déclin est détaillé dans leur étude intitulée « Les ressources humaines en Tunisie : un atout en perte de vitesse ».
Dans un article de la « Tribune de l’ITCEQ », Hanen Trabesli Baklouti et Hajer Mehouachi, de la Direction Centrale de la Compétitivité, rappellent que la Tunisie, dépourvue de ressources naturelles, a longtemps misé sur le capital humain comme moteur de son développement.
Ils soulignent que les dépenses publiques par élève dans l’enseignement secondaire sont parmi les plus élevées au monde, représentant 51,1% du PIB par habitant, selon le Global Innovation Index 2023.
Cependant, le capital humain, autrefois un pilier central, semble aujourd’hui menacé. Le Global Innovation Index (GII 2023) révèle une baisse notable du score relatif aux « Diplômés en sciences et ingénierie », qui est passé de 43,3% en 2021 à 37,9% en 2023. Cette baisse a fait reculer la Tunisie du 2ème au 5ème rang mondial durant la période 2021-2023.
De plus, l’indice du capital humain (HCI), mesuré par le « United Nations E-Government Survey » pour évaluer la digitalisation des services administratifs, indique une régression du score tunisien, qui est passé de 0,77 en 2010 à 0,69 en 2020.
Néanmoins, ce score reste au-dessus de la moyenne africaine (0,49), de la région MENA (0,66), et proche de la moyenne mondiale (0,7).
L’Institut attribue cette régression à la faible qualité des systèmes d’enseignement et de formation, ainsi qu’à leur inadéquation avec les besoins du secteur privé. De nombreuses entreprises expriment leur désir de recruter, mais peinent à trouver des ouvriers qualifiés.
L’inadéquation entre la formation reçue et les besoins du marché de l’emploi est perçue comme un frein majeur au développement économique.
Cette difficulté est exacerbée par la concentration régionale des activités économiques, la faible mobilité interrégionale et la tendance des diplômés à attendre un emploi mieux rémunéré dans le secteur public, contribuant ainsi à un taux de chômage élevé. La fuite des cerveaux, alimentée par la recherche de meilleures conditions de vie et de travail à l’étranger, constitue également une perte significative pour le pays.
D’après l’ITCEQ, 93% des chefs d’entreprises considèrent que cette migration représente une menace sérieuse, entraînant une perte de compétences et de compétitivité.
Pour contrer cette tendance préoccupante, l’ITCEQ recommande une révision en profondeur de la stratégie de développement tunisienne, qui a longtemps reposé sur l’utilisation de ressources humaines bon marché. Les recommandations incluent la réforme des politiques d’enseignement et de formation, le renforcement des politiques d’innovation et de recherche, la modernisation du cadre réglementaire du travail, ainsi que la mise en place de stratégies pour retenir les talents et orienter le développement de l’IA pour qu’elle complète plutôt que substitue le capital humain.