Pouvons-nous parler de formation au sein d’une PMI ?

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Selma Benkraiem

Notre tissu économique est composé à plus de 70% de PME & PMI et nos jeunes préfèrent travailler pour le compte d’entreprise plus « grande », plus «  stable », et pour l’extase ultime d’intégrer l’administration publique pour les raisons qu’il n’est pas difficile d’imaginer.

Je ne suis pas contre mais l’entreprise formatrice, selon moi, est une entreprise qui permet au jeune collaborateur de faire le tour de la chaîne de valeur et la polyvalence est un atout pour développer certaines compétences surtout lorsqu’on démarre sa carrière.

Le RH en PME reste une fonction occupée par le premier responsable, voire le DAF. Dans les secteurs techniques qui sont à la pointe de la technologie,  si nous ne sommes pas informés et formés, nous pouvons rater des opportunités d’affaires, des marchés, d’actions, d’occupations, etc…. 

Qu’en est- il dans le milieu des PMI ?

Je partage l’entretien mené avec Mr Nabil Guiza, Co-fondateur de Mecanometal (PMI dans la construction métallique).

S : Est- ce que la fonction RH existe dans la majorité des PMI en Tunisie ?

N : Si par fonction RH on désigne la gestion administrative de premier niveau des salariés (absence, congé, jour chômé ou payé, les avances, les crédits, le décompte des heures travaillées, les heures sup…), je dirais qu’elle existe en effet dans les entreprises structurées. Si par fonction RH on désigne, un poste de cadre dédié à cette fonction avec une politique RH au sens où on l’entend maintenant (évolution de carrière, horizons d’évolution, formations, conversions…), c’est extrêmement rare, sauf peut-être pour des sociétés appartenant à des groupes, holdings etc….

S : Quels sont les enjeux majeurs RH d’une PMI ?

N : Une entreprise industrielle est un lieu de vie, destiné à produire un bien dans le but de le vendre et de faire des profits. Ce lieu de vie est composé de deux entités distinctes, certes, mais totalement liées. Les machines et les ressources humaines. Les ressources humaines se gèrent à très haut niveau dans l’entreprise car il s’agit du cœur de l’entreprise. Sans ses moyens humains, une entreprise n’est pas viable. Sans politique RH, quelle qu’elle soit, l’entreprise ne peut pas bâtir une structure capable d’assimiler cette multitude d’individualités pour en faire un groupe synergique, homogène, convergent vers le même objectif, qui est la rentabilité de l’entreprise. L’enjeu majeur RH d’une PMI est de faire en sorte de créer les conditions pour que son capital humain soit le plus performant et le mieux intégré possible pour travailler dans de bonnes conditions, tout en ayant envie de le faire sans en sentir une quelconque contrainte. 

S : Le tissu économique tunisien est composé à plus de 70% de PME & PMI, pensez-vous que nous avons atteint la maturité RH pour ce tissu économique ?

N : Non, je ne le pense pas, et je pense qu’on en est loin. La gestion de « l’Humain » est une science à proprement parler. Je pense que nous n’avons pas encore atteint la maturité « d’appartenance » à l’entreprise. C’est peut-être l’ère actuelle qui veut ça, ce qui rend très difficile des projections dans le futur, aussi bien de l’entrepreneur que du salarié. Il me semble qu’il y  a d’un côté les salariés, et de l’autre le patronat. Même si de-facto, ceci est un fait, la relation est généralement conflictuelle au sens du ressenti des uns et des autres. Une politique RH qui réussit, doit arriver à lisser ces différences pour une meilleure intégration globale, toujours dans l’objectif d’un collectif. Une industrie se bâtit, pierre après pierre, investissement après investissement et les résultats peuvent être longs à se matérialiser. La vision est donc un élément fondamental d’une industrie, et il s’agit de tenir sur la distance. Ceci peut en rebuter plus d’un et d’une. 

S : Est-ce qu’une PMI joue un rôle pour la formation de ses collaborateurs ? quels types de formation sont prioritaires ?

N : Il est fondamental que la PME/PMI ou toute structure regroupant des ressources humaines puissent apporter sa pierre à l’édifice de la formation de ses salariés-collaborateurs. Par formation, beaucoup entendent, formation technique, directement liée au travail, mais en fait, pas que ! En premier lieu, l’entreprise édicte un ensemble de règles que le collaborateur doit respecter. C’est la première « formation » en quelque sorte : arriver à l’heure, respecter son outillage, sa machine, garder son poste propre et agréable, respecter ses collègues, respecter le travail en tant que tel, respecter la pièce que l’on fabrique, respecter ses engagements, et par-delà, respecter le futur client qui va l’acheter, etc…Il faut expliquer, très souvent, pourquoi ces règles sont nécessaires, car tout le monde ne le voit pas. L’environnement extérieur joue beaucoup dans cette perception. Si l’environnement extérieur est insalubre, arbitraire, anxiogène et j’en passe, il est difficile de faire appliquer des règles diamétralement opposées au sein de la PME/PMI rien que parce que le règlement le dit. Il est impératif dans cette « formation », mais je préfère le terme de « transmission » qu’il n’y ait pas de dichotomie entre ce qui est pratiqué par le responsable et ce qui est exigé au salarié. Le responsable est en tout état de cause le moteur en toutes circonstances. 

Quant au métier à proprement parler, il faut se rendre à l’évidence : toute personne qui  sort (ou pas) d’une structure de formation quelle qu’elle soit, ne peut pas forcément connaître votre métier, et par conséquent, la formation au métier doit être prodiguée au sein de l’entreprise. La capacité des apprenants à capter l’essence de votre métier fera la différence entre eux.

S : La montée en compétence dans l’industrie est-elle gage d’une meilleure maitrise métier ? Est-ce que la PMI dispose de ressources pour accomplir cette mission ?

N : Indéniablement je dirais, oui, la vocation d’une petite entreprise est d’être extrêmement  pointue dans son domaine de compétence. La maîtrise de son savoir-faire est la quintessence à rechercher. Le but n’est pas de grandir coûte que coûte, car sans la maîtrise nécessaire, grandir est illusoire. Je suis toujours ébahie par le savoir- faire des maîtres artisans  qui, de génération en génération, se sont transmis ce savoir-faire, soit par la voie de l’apprentissage (au sens Compagnons du Devoir), ont su  maîtriser leur art sans jamais pour autant vouloir à tout prix grandir. Il faut beaucoup de ressources pour gérer une entreprise. Un artisan maîtrisant son savoir-faire avec toute la passion qu’on peut lire sur son visage, n’est peut-être pas la bonne personne pour gérer une équipe de vingt ou trente collaborateurs. Après-tout, est- ce si important de grandir ? 

La PME/PMI peut, et doit se donner les moyens de faire évoluer ses compétences intrinsèques. Il y va de sa pérennité car, la concurrence est rude, et la technologie évolue. 

S:  Quels sont les prérequis pour réussir la formation en PMI ?

N : Je dirais qu’en premier lieu, il faut avoir un Métier dont on maîtrise les contours. En deuxième lieu, il faut avoir l’envie de transmettre, presque de manière altruiste, même si pour beaucoup ce terme ne veut pas dire grand-chose. Pour ces deux conditions, il faut des Anciens. Les Maîtres comme on les appelle, les formateurs, les grands frères, les mentors…tant de qualificatifs pour désigner « ceux qui savent ». En troisième lieu, il faut que l’exemple vienne d’en haut.

Il faut aussi beaucoup d’abnégations et d’efforts car rien ne s’acquière sans effort. Il faut de la patience, l’argent ne peut à lui seul être le moteur d’un projet quel qu’il soit. La PMI ne peut rien sans son environnement direct. Malheureusement, en ce moment, il est peu porteur, car il est difficile de combattre les chimères d’un monde merveilleux où l’on rase gratis.

Les défis de la PME/PMI sont aussi nombreux que les abeilles autour de leurs ruches, tous aussi complexes les uns que les autres, et la formation de base est loin de présenter son meilleur atout. Il n’empêche que beaucoup d’entrepreneurs réussissent brillamment et c’est à ceux-ci qu’il faut rendre hommage et c’est vers ceux-ci qu’il faut se tourner pour apprendre encore et encore.

S: On inverse les rôles et posez-moi une question….

N : Comment pourrait- on insuffler cette envie de bien faire au sein d’une PME/PMI ?

S : Merci Nabil pour votre question. Les employés quelques soient leurs situations administratives (leurs statuts, leurs grades et leurs positions) doivent être considérés comme étant des collaborateurs et faire en sorte qu’ils se sentent bien et c’est ainsi qu’ils seront , absolument, productifs et qu’ils aient la culture du partage. Il faut les impliquer dans la bonne marche de l’entreprise et les intéresser.

Conclusion :

La formation des collaborateurs est, de nos jours, une condition sine qua none de la réussite  de toute entreprise quelques soient sa nature, ses spécificités, son volume et ses capitaux. Et c’est pourquoi, les responsables doivent insuffler, à tous les collaborateurs, cette envie de bien faire en veillant et en utilisant une méthode participative incluant entre autres :

1-L’esprit de collaboration 

2-Formation des managers à partager la vision de l’entreprise 

3-Utiliser plus de flexibilité 

Encore plus dans un monde industriel où le technique prime, la formation en mode continue est sous la responsabilité de l’entreprise pour assurer sa place dans un monde en perpétuelle mouvance.

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