Nabil Ghalleb : «T4D travaille activement dans le renforcement de l’engagement civique des jeune»

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Nabil Ghalleb Expert en finance islamique et Président de Tamkeen For Development

Entretien avec Nabil Ghalleb, Expert en finance islamique et Président de « Tamkeen For Development » (T4D)

En quoi le programme « Entrepreneurship for Participation and Inclusion of Vulnerable Youth in Tunisia » de T4D est différent des autres programmes qui visent l’entrepreneuriat ? 

Ce programme est différent des autres programmes qui visent l’entrepreneuriat par son innovation, son impact et sa durabilité.

Tout d’abord, l’innovation de ce programme consiste à augmenter l’engagement civique des jeunes marginalisés et vulnérables dans la zone du nord-ouest grâce à l’amélioration de leurs opportunités économiques à travers l’approche de capacitation économique. 

Cette approche est centrée sur un concept fondamental à savoir l’adoption d’une nouvelle vision vis-à-vis des populations vulnérables en les considérant comme étant de véritables partenaires d’affaires et non des simples clients à la recherche de financement. Ce concept nécessite donc le développement d’une panoplie de services financiers et non financiers pour promouvoir l’initiative privée chez les jeunes notamment : le renforcement des capacités, l’ingénierie d’affaires et le développement des projets filières clés en main, la recherche des marchés, le financement et l’accompagnement.

Ensuite, ce programme est différent des autres programmes par son impact, car il permet aux jeunes de s’outiller des moyens de leur indépendance économique, à travers la valorisation des ressources disponibles et immédiatement exploitables dans leurs régions respectives. Il vise aussi à les doter des compétences managériales et techniques leur permettant d’acquérir de nouvelles compétences leurs facilitant la création de leurs microprojets.

Enfin, ce programme assure la durabilité par l’engagement civique des jeunes vulnérables et de leur adhésion aux principes de la démocratie participative dans leurs régions grâce à leur inclusion dans la vie économique et une fois que leurs projets sont mis en place. En effet, L’acquisition d’un revenu décent et stable permettra à ces jeunes une inclusion dans la vie économique ce qui garantira à terme un plus grand engagement dans la vie politique. 

Ce maillage unique est différent des autres programmes, car il ne se limite pas à offrir aux jeunes des actions de sensibilisation à l’entrepreneuriat, des formations et un accompagnement ou une création de microprojet, mais il met l’accent sur l’implication des jeunes dans le processus démocratique de leurs régions une fois que leurs projets soit mis en place et qu’une source de revenu stable est acquise.

Votre stratégie vise notamment l’inclusion sociale de 1200 jeunes, avec quels moyens et quels outils ?

Les moyens mis en place pour l’inclusion sociale des 1200 jeunes dans le cadre de ce projet sont les 6M. Outils utilisés par le biais du diagramme de causes à effets nommé également « diagramme d’Ishikawa ». 

Connaissant le problème principal de la faible implication des jeunes résidant dans la région du Nord-Ouest dans la transition démocratique en cours, nous avons utilisé les « moyens financiers » octroyé par le Fonds des Nations Unies pour la Démocratie (monnaie dans les 6M) pour les consacrer exclusivement à l’exécution de ce projet. 

Ensuite, une fois tout le « matériel » nécessaire pour la réussite de ce programme réunis, les 1200 Jeunes ont bénéficié de plusieurs « méthodes » d’actions de renforcement des capacités sur les thèmes des Soft Skills et la Démocratie Participative grâce à des cycles de formations réalisés par notre partenaire CORP de l’AHK Tunisie. Aussi, nous avons pris en considération le respect de l’équité du genre en tant qu’un pilier fondamental lors de l’exécution de ce projet. 

Puis, comme « milieu », nous avons choisi plusieurs délégations au sein de chacun des gouvernorats cible du projet (Beja, Jendouba, Siliana et Kef) et nous avons réalisé trois cycles de formations à l’issu desquels 1208 jeunes ont été formés. Les « matières » sont les différents micro-projets crées en élevage agricole (élevage ovin, apiculture, aviculture et engraissement de veaux). Enfin, une « main d’œuvre » qualifiée a permis la bonne mise en exécution du projet.

Parmi nos outils, nous avons aussi déployé un comité de pilotage, composé de 50 jeunes leaders ayant un esprit de changement positif. Ces jeunes se sont proposés spontanément et bénévoles à la fin des différents cycles de formation de la première phase du projet. Ils se sont impliqués pour participer à l’organisation de certaines composantes du projet sous la supervision des membres de T4D et dans le cadre des activités prévues par le programme « Entrepreneurship for Participation and Inclusion of Vulnerable Youth in Tunisia »

Dans ce cadre, ils ont participé à organisation de plusieurs conférences-débats et workshops portant sur des thèmes qui les interpellaient parmi lesquels le budget participatif et le rôle de la femme dans le développement local.

Parallèlement, des sessions de formation en capacitation économique et en techniques d’élevages (ovin, apiculture, aviculture et engraissement de veaux) ont été réalisées pour 200 jeunes sélectionnés parmi les 1208 jeunes formés lors de la première phase du projet.

Aussi, et comme outil permettant la durabilité de certaines composantes du projet à savoir l’engagement civique des jeunes, la manifestation d’intérêt de plusieurs jeunes à l’issu de la formation en démocratie participative à créer leurs association ou Groupements de Développement Agricoles (GDA) ce qui constitue un exploit en lui-même. C’est ainsi que 08 associations et 04 GDA ont été créées durant la durée du projet.

De plus, 290 jeunes sur un total de 826 jeunes formés au cours du cycle 1 et 2 du projet ont participé aux élections « municipales de 2018 » en exerçant leur droit de civique et ce pour la première fois, une quinzaine de jeunes ont bénéficiés d’une formation en tant qu’observateurs locaux pour les « municipales 2018 ». Nous avons aussi, 10 jeunes qui ont participé activement en tant qu’observateurs indépendants aux « municipales 2018 » et 02 jeunes qui se sont portés candidats indépendants sur les listes électorales dont 01 jeune femme a été élue à la municipalité du gouvernorat de Jendouba.  

Peut-t-on considérer que T4D s’apparente à de la micro finance ?

Je tiens tous d’abord à vous présenter Tamkeen for developement (T4D). 

T4D est une organisation non gouvernementale qui a été créée en mars 2016, et qui a pour vision la participation à la création d’un monde sans exclusion et dans l’établissement d’une société civile où les jeunes et les femmes seront capables de se libérer financièrement, de participer activement dans le cycle économique et d’être entendus par les acteurs publics. 

A cette fin, T4D, est appelée à assurer le support nécessaire aux efforts de développement des programmes de capacitation économique développés par son partenaire l’IMF Zitouna Tamkeen et en collaboration avec les différents acteurs économiques du secteur privé, public et ceux de la société civile. T4D s’engage à assurer le plaidoyer ainsi que les actions de formation et d’accompagnement nécessaire à la réussite des projets de capacitation économique développés par ses partenaires.

T4D veille également à lutter contre la pauvreté, la protection de l’environnement et à la défense des droits fondamentaux tout en fournissant l’assistance et l’aide nécessaire aux jeunes. 

Aussi, T4D travaille activement dans le renforcement de l’engagement civique des jeunes.

Par conséquent T4D, ne s’apparente pas la microfinance. La microfinance n’est qu’un moyen utilisé dans notre démarche pour lutter contre la marginalisation des plus démunis.

Quelles sont les activités que vous visez et selon quel schéma géographique ?

On vise à contribuer activement à la vulgarisation de l’approche de la capacitation économique dans toutes les zones de la Tunisie profonde. 

Aussi, nous avons une panoplie de projets sur lesquels nous travaillons, notamment dans le domaine de l’incubation.

Nous sommes également, partenaire du challenge startup à l’ISET des Rades 2019 dans le cadre d’un programme de préincubation. 

Finalement, nous avons un second projet en cours de finalisation avec le FNUD en rapport avec l’implication des jeunes dans la Gouvernance Locale et l’Audit Social en partenariat avec municipalités pilotes. L’intérêt ici étant d’instaurer une démocratie participative dans les communes et par l’engagement civique des jeunes à créer des projets sociaux participatifs rassemblant toute une population autour d’un intérêt commun. 

T4D est très impliquée aussi dans l’entrepreneuriat social et s’intéresse à drainer les tunisiens résidents à l’étranger vers ce créneau.

Comment est né le projet « Entrepreneurship for Participation and Inclusion of Vulnerable Youth in Tunisia » sponsorisé par Tamkeen for Development (T4D) ?

L’idée du Projet « Entrepreneurship for Participation and Inclusion of Vulnerable Youth in Tunisia » était déjà en train de germer dans mon esprit depuis quelques temps. A l’occasion d’un voyage d’affaire et à 9000 milles mètres d’altitude, le hasard a fait j’étais assis à côté d’une dame et nous avons commencé à échanger quelques mots et la discussion s’est engagé de « fil à aiguille » sur mes occupations professionnelles et mon ambition de développer l’approche de la capacitation économique comme étant un moyen de développement durable et rempart contre l’extrémisme, la délinquance et le désespoir des jeunes populations dans les zones défavorisées. 

J’ai commencé alors à lui exposer ma compréhension de l’approche de la capacitation économique. Parallèlement, je lui ai expliqué qu’à T4D, nous travaillons sur l’encouragement des jeunes à s’engager dans la vie civique et politique, par des formations et des activités en rapport avec ce volet et qui seront dupliqués ultérieurement à leur entourage. Toutefois, pour renforcer cet engagement, il faut donner aux jeunes de l’espoir sous forme des opportunités économiques afin de les aider à subvenir à leurs besoins partant de l’hypothèse triviale qu’il existe une corrélation positive entre l’engagement civique et la capacitation économique menant à un développement régional durable.

Les trois heures de vol sont passés tellement vite que j’avais l’impression qu’on venait de décoller et mon interlocutrice n’a pas cessé de me poser des questions sur ce concept. Après l’atterrissage du vol, mon interlocutrice se présenta et j’ai découvert qu’elle était La Directrice Exécutive du Fonds des Nations Unies pour la Démocratie (FNUD). De retour à New-York, Madame Annika SAVILL m’a invité à soumissionner à l’appel à projet lancé par le FNUD parce qu’elle a tout simplement cru à notre projet innovant. « Entrepreneurship for Participation and Inclusion of Vulnerable Youth in Tunisia » qui n’était alors qu’une idée en germination a ainsi éclos.

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