
À La Marsa, dans les locaux de BSB Toyota, le débat sur la Loi de finances 2026 a quitté le terrain strictement technique pour prendre la forme d’un plaidoyer. Face à la presse,Moez Belkhiria, président-directeur général de BSB Toyota, a livré une lecture critique d’une réforme fiscale qui, selon lui, menace à la fois la cohérence environnementale, la concurrence loyale et le pouvoir d’achat du consommateur tunisien… le point
Dans la salle de conférence du siège de BSB Toyota, le ton est posé mais la détermination palpable. Mardi 16 décembre 2025,Moez Belkhiria déroule, chiffres à l’appui, les conséquences concrètes d’un amendement passé presque inaperçu lors de l’adoption de la Loi de finances 2026. Un amendement qui, à ses yeux, redéfinit brutalement les règles du jeu pour les véhicules hybrides non rechargeables.
Jusqu’à présent, ces véhicules bénéficiaient d’un régime fiscal incitatif, pensé pour accompagner une transition progressive vers des motorisations plus sobres. Une réduction de 50 % des droits de consommation permettait d’atténuer l’écart de prix avec les motorisations classiques et de démocratiser l’accès à l’hybride. Le Toyota RAV4, équipé d’un moteur thermique de 2,5 litres couplé à une technologie hybride optimisée, entrait pleinement dans ce cadre.
Avec la Loi de finances 2026,la mécanique change. Désormais, le critère déterminant n’est plus la performance globale du véhicule, mais la seule cylindrée du moteur thermique. Au-delà de 1.700 cm³ pour les motorisations essence, l’avantage fiscal disparaît. Le RAV4 se retrouve ainsi exclu du dispositif, alors même qu’il demeure l’un des modèles les plus sobres de son segment.
Pour « Moez Belkhiria »,cette approche pose un problème de fond. «La fiscalité devrait accompagner les usages réels et l’impact environnemental »,souligne-t-il. Selon les données présentées par BSB Toyota, le RAV4 affiche une consommation moyenne de 4,5 litres aux 100 kilomètres, inférieure à celle de certains modèles concurrents qui continuent pourtant de bénéficier de l’abattement fiscal.
Le dirigeant insiste également sur la notion de puissance fiscale, souvent plus représentative que la cylindrée brute. Avec neuf chevaux fiscaux, le RAV4 se situe à un niveau égal ou inférieur à celui de ses concurrents directs. Certains affichent dix chevaux fiscaux, une consommation plus élevée et un impact environnemental plus important, tout en conservant un avantage fiscal que le modèle Toyota perd.
Derrière le débat technique se profile un enjeu concurrentiel. Dans les faits, « explique Moez Belkhiria »,un seul modèle se trouve réellement affecté par la réforme. Leader incontesté de son segment en Tunisie, le RAV4 s’est imposé ces dernières années comme la référence des SUV hybrides non rechargeables. En 2024,(800 unités ont été écoulées, loin devant ses concurrents). En 2025,malgré un léger ralentissement, le modèle conserve sa position dominante.
Pour BSB Toyota, la nouvelle disposition revient à fragiliser artificiellement ce leadership, non pas par le jeu du marché, mais par un biais fiscal. Une situation qui, selon le concessionnaire, introduit une distorsion de concurrence difficilement justifiable.
Les répercussions ne se limitent pas aux chiffres de vente. Elles se traduiront très concrètement dans les showrooms. À partir de 2026,le prix du Toyota RAV4 devrait connaître une hausse sensible, passant d’environ 185.000 dinars à près de 220.000 dinars. Une augmentation directement liée à l’application pleine des droits de consommation, auxquels s’ajoute la TVA.
Un choc tarifaire qui interviendra alors même que des véhicules ont déjà été commandés et sont attendus sur le marché tunisien dès le début de l’année. «Ce sont les consommateurs qui paieront la différence», regrette « Moez Belkhiria »,évoquant un frein potentiel à l’adoption de solutions hybrides pourtant moins énergivores.
Le dirigeant tient toutefois à préciser que BSB Toyota ne remet pas en cause l’orientation générale de la Loi de finances, notamment le soutien affirmé à l’hybride rechargeable. Ce qu’il appelle de ses vœux, c’est une approche plus nuancée pour les hybrides non rechargeables, fondée sur des critères objectifs : consommation réelle, émissions de CO₂, puissance fiscale.
Au-delà du contenu de la mesure, c’est aussi la méthode qui est questionnée. Le PDG de BSB Toyota regrette l’absence de concertation avec les opérateurs du secteur et la chambre syndicale lors de l’élaboration de cet amendement. Des arguments techniques et chiffrés ont été transmis, assure-t-il, sans retour ni arbitrage visible.
Dans ce contexte, BSB Toyota affirme sa détermination à poursuivre le dialogue avec les autorités et à mobiliser les leviers institutionnels disponibles pour obtenir une révision du texte. L’enjeu dépasse, selon l’entreprise, le sort d’un seul modèle. Il touche à la crédibilité d’une politique publique censée encourager la transition énergétique tout en protégeant le consommateur.
À l’échelle mondiale, Toyota reste l’un des principaux acteurs de l’hybride, avec plus de dix millions de véhicules vendus ces dernières années et 1,2 million de RAV4 écoulés en 2024. Un leadership technologique que le groupe estime incompatible avec une lecture jugée restrictive de la fiscalité tunisienne.
Entre impératifs budgétaires et objectifs ennvironnementaux, le débat reste ouvert.Mais une chose est sûre: avec la Loi de finances 2026,la question de la cohérence fiscale appliquée à l’automobile hybride s’impose désormais au cœur de l’agenda du secteur…
Par: hatem toulgui











