Dans le cadre du projet “Alliance pour la croissance économique et l’emploi, ACE Dialogue social” Mandaté par la coopération internationale allemande BMZ et mis en oeuvre par la GIZ, l’ARFORGHE et la KAS ont organisé une série de 6 cycles de rencontres régionales RH sur le dialogue social :
1-Les conditions de bases nécessaires au dialogue social en entreprise : Quel est le rôle du DRH dans le renforcement du dialogue social ?
2- La négociation en entreprise : Outil prépondérant pour une meilleure entente entre les différents acteurs sociaux
3- Les aspects Juridiques de la GRH et le pilotage des relations sociales
4- Dialogue social et réussite de transformation : Comment mobiliser l’engagement et les interactions en entreprises ?
5- Le Dialogue social au cœur de la période post-Covid-19 : De l’impact de la crise sur les relations de travail à la gestion des nouvelles formes d’emploi
6- Quels types de posture managériale, outils, dispositifs et vision RH face au contexte de la crise sanitaire?
L’objectif de ces cycles de formation qui ont rassemblé plus que 665 professionnels RH est de sensibiliser les professionnels RH à la nécessité du dialogue social dans les entreprises et leur donner des outils de veille sociale en vue d’une meilleure performance économique et sociale.
Nous vous faisons part d’une synthèse du dernier cycle de rencontre RH portant sur le Dialogue Social et la crise sanitaire :
Depuis l’avènement de la crise, la fonction RH s’est placée au centre de l’organisation de l’entreprise. Un fait pas toujours admis par les entreprises. La gestion des différentes phases de la crise du coronavirus offre une occasion en or de démontrer cette réalité et les gains que peuvent en tirer toutes les composantes de l’entreprise.
Grâce à la COVID-19, la direction des ressources humaines se repositionne dans la partie. Elle a démontré et démontre qu’elle est au cœur des organisations de l’entreprise. De façon tout à fait cohérente, elle a été l’un des principaux centres d’actions du comité exécutif de l’entreprise. Dans une récente étude de l’ANDRH, 89% des DRH interrogés déclaraient être membres de la cellule de crise pour traiter des conséquences du coronavirus. Et 97% ont formé un duo avec la direction générale, le CEO en particulier.
Ces chiffres confirment le propos de Dave Ulrich, expert des ressources humaines, tenu dans son célèbre ouvrage « Human Resource Champions. The Next Agenda for Adding Value and Delivering Results » (1997) : «le DRH devient un partenaire stratégique en alignant la stratégie de l’entreprise et celle des ressources humaines dans une parfaite cohérence ». Ce qu’on appelle aujourd’hui une démarche de business partner.
Le Coronavirus a resserré les rangs en entreprise et les RH l’ont bien compris, c’est une opportunité de pérenniser leur position dans l’entreprise. Une position à la table de la direction générale, de conseil stratégique en plus d’une position d’exécutant administratif. Car dans les semaines et mois à venir, il ne sera pas question de s’interroger sur la fiche de paie des salariés, mais d’accompagner la restructuration des entreprises. La DRH sera le chef d’orchestre de l’upskilling et du reskilling.
La crise sanitaire semble avoir renforcé les liens entre les directions des ressources humaines et les directions générales, qui ont travaillé main dans la main depuis le mois de mars pour faire face à une situation inédite. La crise sanitaire y est-elle pour quelque chose ? L’optimisme voudrait en effet que les directions générales continuent à développer et pérenniser le rôle pivot de la fonction RH dans l’entreprise.
Cette problématique a fait l’objet de deux panels RH réunissant DRHs d’entreprise implantées à Tunis et Sfax
On se pose la question donc dans un 1er temps de la posture du DRH en tant que PIVOT, BUSINESS PARTNER, MANAGER COACH et/ou MANAGER SECOURISTE face à cette crise et dans un 2ème temps de l’alignement des pratiques RH à la crise et les outils et dispositifs mis en place face à ce contexte.
Ces questions ont été adressées par M. Khaled Zribi, modérateur du panel à l’ensemble des intervenants à savoir M. Habib LATRACH, DRH Orange Tunisie, M. Mohamed ROUACHED, Consultant RH UFI Group, Mme Douja BEN GHARBIA, DRH Vivo Energy Tunisie et Mme Henda BRADAI BEN AYED, Secrétaire générale BMCE Tunisie et Mme Mounira Bouzouita, DRH IBS Outsourcing et présidente de l’ARFORGHE.
M. Zribi, n’a pas manqué de rappeler à son tour que cette crise du covid-19 représente une opportunité pour la fonction ressources humaines d’être au cœur de l’entreprise et de l’importance de l’alignement de la stratégie RH avec la stratégie d’entreprise en ce temps de crise
Mme Ben Gharbia a souligné que la fonction RH est devenue de plus en plus une fonction transversale et est sollicitée de partout dans l’entreprise à savoir la direction générale, le département d’hygiène, santé, sécurité et environnement, la commission consultative d’entreprise, la RSE mais également tous les autres départements principaux ou de supports qu’ils soient
M. Latrach a montré que le DRH est amené à prendre des décisions plus que jamais et qu’il est en position de décideur avec un aval à priori de la direction générale.
Quant à M. Rouached, il a remis en question le positionnement du DRH en ces temps de crise avec la posture que celui-ci peut avoir avec ses collaborateurs. Le degré de collaboration avec la direction générale dépend de la capacité du DRH à prendre des décisions.
Outils, dispositifs et vision RH
Au-delà de la vision et de la posture RH, les DRHs ont eu recours à certains outils et dispositifs qui leur permettent de gérer au mieux les effets de la crise et ont dû faire un arrangement aux niveaux des pratiques RH pour s’aligner avec les exigences de ce fléau. L’enquête réalisée par l’ARFORGHE au mois d’Avril, auprès d’une centaine de DRHs de tous secteurs confondus et répartis sur tout le territoire Tunisien, a permis de confirmer certains faits et d’en tirer des leçons quant à ces changements survenus dans les entreprise. Nous vous donnons un aperçu sur quelques résultats :
98% des entreprises interrogées affirment opter pour le télétravail dont 90% estiment qu’elles possèdent l’infrastructure nécessaire pour le faire.
15% en moyenne de l’effectif de ces entreprises qui ont opté pour le télétravail restent réticentes par rapport à ce nouveau mode de travail (Absence de culture digitale, pas d’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle).
94% des entreprises interrogées admettent que le mode télétravail exige de la part des managers une flexibilité au travail (Proximité, communication, écoute, entraide, empathie….).
76% des entreprises interrogées déclarent que la période de confinement représente une opportunité de montée en compétences à leurs collaborateurs.
Si la 1ère vague de la crise sanitaire constituait un effet de surprise à tous les niveaux, elle reste quand-même une opportunité d’apprentissage où tous les RHs ont dû déployer des stratégies émergentes efficaces ou pas en fonction de la situation.
Qu’en est-il de la 2ème vague ? Ces stratégies restent-elles valables pour la période d’après ? Les problèmes liés à la 1ère vague sont -ils les mêmes que ceux de la 2ème vague ? Les protocoles de reprise ainsi que la répartition du temps de travail etc. sont-ils devenus la règle de travail dans l’entreprise ?
Le RH a appris à cohabiter avec la crise et les actions délibérées lors de la 1ère vague sont- elles devenues un processus standard ?
On se pose à cet effet la question sur l’alignement des pratiques RH face à la crise à travers plusieurs aspects:
Comment gérer l’éclatement spatial des équipes et/ou protéger la santé des salariés des secteurs essentiels ? Comment évaluer la productivité du salarié dans un mode de télétravail et quelle rémunération attribuer quant aux salariés dont la partie variable est plus importante que la partie fixe ? Comment communiquer avec pertinence et écouter / répondre aux besoins ? Comment maintenir la cohésion des collectifs et leur motivation, dans un contexte de chômage partiel notamment ? Le télétravail reste sans doute le mode de travail le plus adapté à la situation.
Serait t-il le nouveau mode de travail par excellence dans les années à venir ou plutôt va t-on vers un mode hybride de travail (entre le présentiel et le virtuel). Il s’agit également de préparer, dès maintenant, « l’après » pour une nouvelle vision RH qui soit à la hauteur des défis humains qui seront l’une des principales préoccupations de l’entreprise.
Nous revenons sur le vécu de nos panélistes :
Mme Bradai a déclaré qu’il faut des hommes d’exception face à cette crise pour gérer la nouvelle donne qui se manifeste par la gestion d’un nouveau mode de travail « Le télétravail », la gestion de l’absentéisme, l’écoute et l’accompagnement des collaborateurs. Les DRHs ont dû jongler dans la répartition du travail entre les équipes et la gestion à distance des collaborateurs mais le groupe BMCE s’estime être heureux d’être outillé de procédures groupes et de l’infrastructure technologique.
Le défi étant de rassurer les actionnaires mais aussi les collaborateurs qui travaillent sur les lieux ou en télétravail. Un protocole de continuité d’activités “PCA” a été mis en place lors de la reprise des activités c’est-à-dire après le confinement général avec une stratégie de communication interne basée sur la bienveillance
Mme Ben Gharbia a souligné que les groupes internationaux ont de la chance d’être des structures éclatées et donc ont la capacité de discuter et d’échanger sur des problématiques globales. Le « New normal » a fait notre code de conduite en temps de crise à travers l’upskilling et le reskilling des collaborateurs c’est-à-dire faire découvrir à nos collaborateurs de nouvelles compétences et être capable d’agir rapidement et d’être plus efficace et agile. Le protocole sanitaire et les gestes barrières ont fait l’objet de plusieurs sessions d’ information et de vidéos instructives.
La gestion de proximité était le mot d’ordre pour gérer au mieux l’éclatement spatial et temporel des équipes à travers une présence journalière et la mobilisation d’une équipe externe d’expert en psychologie pour trouver un équilibre entre vie professionnelle/ vie privée, anticiper les risques psychosociaux que peut engendrer la crise et assurer un niveau minimal de bien être qui permettrait à l’ensemble des ressources humaines de continuer à travailler. Le challenge à “Vivo Energy” était de maintenir les objectifs en tenant compte de la composante sociale malgré les difficultés de la crise.
M. Latrach a estimé quant à lui que la crise a représenté une opportunité privilégiée pour tester de nouveaux outils RH tel que le télétravail et la gestion à distance. L’infrastructure et les moyens technologiques mis en place à “Orange Tunisie” ont aidé l’équipe à instaurer un programme de formation en ligne et de procéder au “E-learning”. d’autres mécanismes d’évaluation du rendement et de calcul des prix ont été introduits pour satisfaire tous les agents et téléopérateurs dont la partie variable du salaire et plus importantes que la partie fixe. Il a estimé que Orange n’a pas pu être généreuse mais plutôt correcte dans cette situation exceptionnelle. La prime variable a été maintenue aux téléopérateurs malgré qu’ils étaient en chômage technique selon un accord établi avec les structures représentatives du personnel et le syndicat. Une prime de risque a été allouée en période de reprise d’activités.
M. Rouached a affirmé que la crise était loin d’être une opportunité quant aux secteurs sinistrés. La notion de solidarité dans les entreprises différait d’une entreprise à une autre selon la situation financière de ces dernières.
Il a ajouté qu’il est vrai que nos confrères RH étaient appelés à jongler avec une réalité inédite et à inventer des modèles de solutions qu’on ne pourrait pas prédire leur efficacité. Le défi était de maintenir l’emploi et de fidéliser les ressources humaines en tenant compte de la rareté des ressources financières dans le cas de “UFI Groupe” dont une de ses activités principales est le tourisme, un secteur fortement frappé par la crise et qui ne correspond nullement au télétravail. Une équation difficile à équilibrer dans un contexte perturbant ou la visibilité et l’assise juridique sont quasiment inexistantes.
Ces journées nous font penser sur l’avenir de ce nouveau mode de travail à savoir le télétravail et à ces nouvelles pratiques et relations de travail quant au management à distance, la communication interne basée sur l’écoute, l’empathie, l’entraide et la bienveillance, la politique de Reskilling et Upskilling et politique de rémunération. L’adoption de ce partenariat avec les différents acteurs de l’entreprise à savoir les syndicats, les délégués du personnel et les instances consultatives pour maintenir l’emploi et maintenir la paix sociale dans l’entreprise. De nouveaux comportements et de nouveaux réflexes de travail pourraient s’installer pour un dialogue social réinventé et un bien être adapté.