Mme Caroline Schmidt, Conseillère Scientifique KAS
« Arts and Politics » : L’art au service d’une transition politique, pourrais-tu nous présenter cette initiative ?
Arts & Politics est une série régionale d’expositions virtuelles qui a été lancée en 2020 par notre bureau au Liban. Ensuite, d’autres expositions, pour plusieurs pays dans la région MENA, ont été réalisées par la KAS. Une exposition pour la Tunisie est donc la continuation de cette expérience immersive. L’objectif de ce projet est de mettre en avant les besoins, les espoirs et les défis de la société tunisienne à travers l’art et de sensibiliser les spectateurs d’une manière créative aux défis politiques et socio-économiques auxquels la Tunisie fait face. Chaque œuvre d’art représente une fenêtre sur un état d’esprit et une perception très individuelle des contraintes sociales, de l’échec politique et des problèmes économiques.
« Tunisia, Lost in transition », un titre assez révélateur pour cette première édition de cette exposition digitale. Pourquoi le terme de « perdue » ?
La révolution de 2011 a conduit à un long processus de transition en Tunisie, caractérisé par de profonds bouleversements sociaux et politiques qui ont également entrainé un dialogue sur des sujets liés à l’identité et à la religion. Aujourd’hui, la Tunisie fait face à une profonde crise politique et économique. Le terme «perdu» décrit un état de flou et de désorientation sur tous les plans parmi la population, dans une Tunisie contemporaine qui fait également référence à une résistance avant de faire face à la réalité malgré tous les efforts dédiés par la société civile et la nouvelle génération pour créer des étincelle d’espoir.
La KAS reste un acteur de poids en Tunisie et durant cette dernière décennie, la fondation n’a cessé d’appuyer les initiatives de la société civile, pourrais-tu nous présenter ce partenariat ?
La KAS fête cette année le 40ème anniversaire de sa présence en Tunisie. Après la révolution, un nouveau souffle de liberté a vu le jour et nous avons accompagné la Tunisie dans son processus de transformation en mettant l’accent sur la promotion de la démocratie et l’éducation civique. Pour tous ses projets, la KAS travaille avec des partenaires locaux tunisiens. La société civile tunisienne a une fonction clé lorsqu’il s’agit de mobiliser la jeunesse à se présenter comme un acteur politique et économique qui s’engage pour son pays et fait avancer la Tunisie. La KAS souhaite aider les associations et les organisations tunisiennes à se développer de manière durable et met à leur disposition des plateformes de dialogue et d’échange.
Cette action a été menée dans d’autres pays, serait-il possible de nous faire part des autres expériences vécues ?
Cette initiative a commencé au Liban, après les tristes événements de l’explosion du Port de Beyrouth le 4 août. Etant donné que c’était durant la phase du confinement pour le COVID, la KAS a décidé, en partenariat avec l’ONG I Have Learned Academy, d’organiser une exposition virtuelle puisque les gens ne pouvaient visiter physiquement aucun événement ou exposition. Beaucoup d’artistes ont exprimé et « sublimé » les peines et souffrances à travers l’Art… Après l’énorme succès de l’exposition « Echoes from Lebanon », les bureaux de la KAS dans divers pays arabe (la Jordanie, l’Irak et la Syrie) ont également montré de l’intérêt à refaire l’expérience pour exposer et exprimer les contextes politiques et économiques de leur pays. L’Art est un outil d’expression magnifique pour refléter les défis des pays et des sociétés à travers les yeux artistiques locaux.
Mme Ons Hammami, Partenaire Exposition
Pourrais-tu nous présenter votre partenariat avec la KAS ?
Je suis chargée de la sélection des artistes, du contact et du suivi, de la collection d’art et de l’information pour les infographies sur chaque artiste et œuvre. J’ai également eu l’honneur de participer en tant qu’artiste à cette exposition et en tant que citoyenne, je suis tout à fait consciente de ce qui se passe et des problèmes auxquels nous faisons face tous les jours. Donc, ce projet était une excellente occasion pour mettre en valeur cette réalité et d’agir d’une manière artistique
Nous avons tendance à penser que l’artiste est apolitique, est ce qu’à travers cette initiative, vous déclarez une orientation politique ?
L’objectif de cette exposition est de donner une conscience artistique sur la situation politique et socio-économique en Tunisie, sans déclarer une orientation politique commune. L’idée c’est de mettre en valeur le point de vue des citoyens tunisiens sans prendre une orientation politique spécifique ou une position agressive défensive. Au contraire, chaque œuvre a son propre message individuel politique qui reflète la réalité de la société selon sa perspective.
Pourrions-nous considérer que cette initiative a un rôle éducatif ? (l’art au service de l’éducation politique)
Il faut de l’art à la société. Les artistes visent à attirer l’attention du public afin qu’il se pose des questions concernant son environnement et sa vie quotidienne. À travers l’art, la société comprendra et examinera de plus près la politique et l’état socioéconomique. L’art a un rôle éducatif : à travers une perspective artistique et en valorisant les défis quotidiens du peuple tunisien, nous communiquons une expérience socio-politique et montrons à la fois des aspects positifs et négatifs de la vie en Tunisie.
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