L’ARFORGHE et la KAS publient leur recueil intitulé: Des facettes multiples du dialogue social «Paroles de professionnels RH»

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2025
KAS

Texte d’ouverture du recueil par Mme Mounira BOUZOUITA

Mounira BOUZOUITA, Présidente de l’ARFORGHE

En sa qualité d’acteur de référence dans le monde des Ressources Humaines  en Tunisie, l’Association des Responsables de Formation et de Gestion Humaine dans les Entreprises (ARFORGHE)  a toujours cherché à conforter son rôle et à renforcer le  lien de la fonction RH avec la paix sociale dans l’entreprise. 

Consciente  de la fragilité de la situation économique et sociale du pays et convaincue de l’importance de l’instauration d’un climat social serein au sein de l’entreprise mais aussi de la sensibilisation de toutes les parties concernées pour un véritable dialogue social, ARFORGHE en partenariat soutenu avec la fondation Konrad Adenauer Stiftung (KAS) a décentralisé depuis 2018 ses programmes « Académie RH » et « Rencontres régionales du dialogue social » sur les 3 plus grandes régions industrielles en Tunisie. Ces activités ont été réalisées dans le cadre du projet «Alliance pour la Croissance Economique et pour l’Emploi/ACE, Dialogue Social » mandaté par le ministère fédéral de la Coopération économique et du Développement (BMZ) et mis en œuvre par la GIZ.

Il est à rappeler qu’un contrat social a été conclu en janvier 2013 entre le gouvernement Tunisien et les organisations syndicales des travailleurs et des employeurs pour donner suite aux événements de 2011. Mis à part de nouvelles politiques actives du marché du travail, il stipule une réforme du système éducatif et de la formation professionnelle, l’amélioration des relations de travail, la réforme des systèmes de sécurité sociale ainsi qu’un revenu minimum pour les catégories les plus vulnérables de la population. Il a été convenu également d’institutionnaliser le dialogue social par la mise en place d’un Conseil national du Dialogue Social (CNDS). 

D’autre part, la Déclaration Tunisienne pour l’Emploi, adoptée en mars 2016, constitue  aussi une autre stratégie nationale clé. Dans cette déclaration, les partenaires sociaux s’engagent à instaurer un nouveau modèle économique afin de créer davantage d’emplois et ce, notamment, dans les régions de l’intérieur du pays. Comportant onze principes, la Déclaration Tunisienne pour l’Emploi a souligné, le fait d’élaborer par ailleurs, une stratégie nationale intégrée qui fait de l’emploi un élément clé de toutes les politiques sectorielles et à faire de la promotion de l’emploi un axe central du dialogue social. C’est dans ce cadre que l’ARFORGHE s’est alliée à ce projet du dialogue social, piloté par la GIZ et exécuté en partie par la KAS, pour mettre sur terrain les bonnes pratiques du dialogue social et essayer de les généraliser dans toutes les entreprises Tunisiennes.

Si le contexte Tunisien ne cesse de stimuler les managers RH à s’intéresser et à développer la compétence du dialogue pour pouvoir bien gérer les relations avec l’ensemble de leurs parties prenantes, il n’en est pas moins vrai  par rapport à la complexité et la turbulence de l’environnement de l’entreprise qui impose de façon continue le changement et la transformation dans l’organisation.

Aujourd’hui plus que jamais dans ce contexte de crise et de pandémie, la fonction RH a été transposée au-devant de la scène et est montée en puissance. Les aspects RH  sont devenus d’importance majeure et les outils et les dispositifs qui ont permis de gérer au mieux les effets de la crise ont poussé à revisiter certaines pratiques RH pour s’aligner avec les exigences de l’heure. Depuis quelques mois, les DRH sont à pied d’œuvre pour reprendre sereinement l’activité sur le terrain et recruteurs, managers et responsables RH ont un rôle considérable à jouer pour façonner le monde du travail de demain. C’est dans cette logique que nous avons continué à traiter le sujet du dialogue social, en apportant des réponses aux questions imminentes auxquelles les RHs sont entrain de faire face :

Quelles sont les pistes sur lesquelles s’attarder pour les RH après le coronavirus ? Comment préparer les collaborateurs à l’après-crise ? Quelles mesures doivent être proposées dans les entreprises ? En d’autres termes,  Que faire pour assurer au mieux le court  terme et le quotidien  en préparant  l’avenir ? Voilà un défi crucial pour les DRHs en cette période de reprise. Le dialogue social doit s’adapter à toutes les situations pour traiter les questions essentielles que sont les conditions de travail et la continuité de l’activité pour maintenir une activité économique stable dans l’entreprise.  D’ailleurs, depuis le mois de Mars 2020, toute notre orientation dans le projet s’est penchée sur la crise sanitaire, un phénomène qui s’est forcément allié au sujet du dialogue social et qui sera constamment soulevé dans ce recueil.

Aujourd’hui, dans cette complexité et période de pandémie mondiale :

– De nouveaux modes et relations de travail se sont imposés

– De nouvelles pratiques de management se sont installées

– Des avancées énormes dans la digitalisation des processus et la transformation digitale des entreprises ont vu le jour 

En tenant compte de ces nouvelles relations de travail et pratiques managériales, Le dialogue social doit être renouvelé et mis à niveau avec les nouveaux défis de l’heure. A cet effet, la capacité à gérer des interfaces et à créer un climat social propice au développement collectif devient un facteur clé de différenciation au sein des organisations et se perçoit comme de plus en plus critique dans ce contexte actuel de modification des structures de l’organisation. Les DRHs ont dû inventer un nouveau code de conduite du travail qui combine la composante économique et la composante sociale en l’absence d’une assise juridique à la hauteur de cette période.

Le DRH qui saura gérer la crise et instaurer un climat social serein dans son entreprise est celui qui ne se limitera pas aux consignes du code du travail et s’intéressera à la compréhension et la gestion des relations sociales régies par la loi humaine, la culture organisationnelle et le comportement organisationnel. Son rôle sera de piloter ces relations sociales à travers des outils précis et efficaces permettant, à travers des données observables et chiffrées, de mesurer la qualité de vie au travail dans l’entreprise.  L’implémentation de logiciels RH et de systèmes d’information sociaux donnant une vue d’ensemble sur les ratios sociaux et l’élaboration de bilans sociaux sont les clés d’une gestion efficace de la dimension sociale des ressources humaines. Faire preuve d’ingéniosité et d’innovation sociale est aussi un atout pour agir et réguler les agitations sociales et éviter le malaise organisationnel. Le défi réside dans le renouvellement du dialogue social mettant à la corbeille les fameux « jeux de rôle » et « postures idéologiques » véritables entraves à un dialogue social efficace et authentique et le passage de l’organisation du « jeu social » à la « stratégie sociale ».

Ce projet n’aurait pas pu arriver à ses fins  et voir ses objectifs atteints sans l’implication de nos amis membres des structures syndicales et des partenaires sociaux, l’UGTT et l’UTICA  pour valoriser le capital humain et promouvoir les opportunités qui se présentent  pour une nouvelle politique des Ressources Humaines et sociale en entreprise  en temps de pré et post crise du COVID-19.

Mes remerciements vont à tous les intervenants et toutes les parties prenantes qui ont contribué pour la réalisation des 7 Cycles de rencontres régionales sur le dialogue social et les différentes éditions de l’académie RH de Tunis et Sfax. D’ailleurs, l’édition de ce recueil en est bien la preuve d’un aboutissement appréciable  en termes de partage de connaissance et de savoir autour de la thématique du dialogue social auprès de notre communauté de professionnels RH. 

Nous n’omettons pas de mentionner, la fondation Konrad Adenauer Stiftung (KAS)*, notre partenaire fidèle depuis 40 ans en la personne de Dr Holger Dix, avec qui nous avons travaillé sur le projet du dialogue social, sujet d’actualité plus que jamais suite à cette crise sans précédent que traverse la Tunisie  et aux défis économiques et sociaux auxquels notre pays doit faire face depuis la propagation de ce virus dans le monde entier.

Il ne me reste qu’à vous présenter la préface de notre recueil intitulé  “Des facettes multiples du dialogue social”: Paroles de professionnels RH rédigée par l’éminent professeur Mme Riadh Zghal et vous souhaiter une bonne lecture à toutes et à  tous !

  • Le recueil sera publié à partir du mois de Juillet sur le site web de la KAS en version téléchargeable. 

Préface :

Riadh Zghal, Professeur émérite en sciences de gestion Consultante

Que s’est-il passé avec l’apparition de la pandémie du Covid ? La certitude que jamais les dirigeants n’ont reçu au visage avec autant de violence l’impact de l’écosystème sur les ressources humaines. Il a touché à la disponibilité du personnel qualifié, sa mobilité nationale et internationale, la déperdition de personnel qualifié suite au ralentissement voire l’arrêt de l’activité, les mesures sanitaires et législatives récurrentes qui ajoutent de l’incertitude à l’incertitude… La pandémie a aussi généré des effets sociaux et psychologiques sur les collaborateurs. Le travail à distance a affecté les opportunités d’exercice de l’intelligence collective en réduisant les échanges spontanés. Le manque de sociabilité sur le lieu de travail affecte le sentiment d’appartenance à l’organisation.

Tout cela a un impact sur la créativité et l’innovation, particulièrement la réalisation d’innovations incrémentales, souvent non dites et non documentées, mais si nécessaires dans l’exercice de certaines fonctions qui appellent une adaptation continue aux situations imprévues. Cela est particulièrement vrai pour les activités non standardisées. 

En revanche, le travail à distance crée de nouvelles exigences morales. En restant chez-lui -elle, l’employé -e est / se perçoit comme autonome, responsable de l’efficacité et du volume de son effort, de la répartition du son temps de travail sur les 24 heures de la journée. Cela implique une référence à des valeurs morales, surtout lorsque les objectifs liés à la fonction sont mal ou non définis par l’organisation. Pour la direction le défi réside dans l’adaptation à l’autonomie des travailleurs à distance, particulièrement en ce qui concerne le contrôle.

Cette question se pose avec insistance pour les organisations où la nature des objectifs à atteindre ne permettent pas une déclinaison précise par emploi vu que leur atteinte est fortement dépendante de la collaboration entre divers intervenants. La dépendance de la performance de chacun de celles des membres de l’équipe réduit le sentiment d’autonomie.

Néanmoins le télétravail n’efface pas nécessairement le sentiment d’être isolé. Une autre difficulté intervient lorsque les collaborateurs manifestent un manque d’engagement au travail. En conséquence, l’autonomie du travail à distance est parfois perçue par les dirigeants comme un risque. Et si les collaborateurs ne sont pas initiés au digital, il va falloir investir dans des formations et des équipements, ce qui s’avère d’autant plus difficile que l’activité se ralentit à défaut de marché.

On y trouve une illustration dans les mesures prises par le gouvernement concernant l’administration publique déjà en mal de productivité :  le temps de travail des employés a été a aménagé en une équipe par séance et réduit en conséquence. Le travail à distance reste impossible pour certaines activités ce qui appelle une adaptation de l’organisation aux conditions de la pandémie. Dans d’autres situations, c’est la disponibilité d’Internet qui fait défaut. Dans des pays riches, là où le réseau est largement disponible, des entreprises ont développé des logiciels permettant aux managers de contrôler à distance le travail des salariés. 

Comment ont réagi les formateurs en GRH ? Et qu’ont fait les entreprises tunisiennes pour s’adapter à la situation créée par la pandémie ? 

Certains formateurs qui ont contribué à cet ouvrage évoquent la nécessité de mettre en place une gestion prévisionnelle d’autant que le nouveau contexte est chargé d’incertitudes. D’autres considèrent que le passage à la digitalisation implique un besoin de formation, cette dernière devra s’appuyer sur un nouveau paradigme qui place l’apprenant au centre d’un processus individualisé.  Paradoxalement, le premier conseil nécessite un important investissement pour des organisations où les données ne sont pas disponibles ou sont disparates et inexploitables pour établir des prévisions fiables. La formation en présentiel coûte moins cher lorsqu’au centre se trouve le formateur qui s’adresse en un temps limité à la durée d’un séminaire à des groupes d’apprenants. Lorsque l’apprenant est placé au centre de l’opération, s’ajoute au statut de formateur celui de coach qui accompagne une personne à la fois, ce qui entraîne des coûts supplémentaires. Au vu de la crise économique générée par la pandémie, tout porte à croire que peu d’entreprises auront les moyens d’investir dans la prévision ou la formation personnalisée de leurs employés. D’autres formateurs préconisent de veiller au bien-être des employés, le branding RH de l’entreprise, le renforcement du dialogue social… Qu’en est-il de la réalité dans l’entreprise ? 

L’enquête menée par l’ARFORGHE en 2020 dont les résultats sont repris dans cet ouvrage révèlent des résultats mitigés quant à la disposition des entreprises enquêtées à recourir au travail à distance et à la formation. Néanmoins, refaire cette enquête périodiquement sur des échantillons représentatifs et décliner les résultats par secteur d’activité, nous semble nécessaire afin de mieux orienter les choix des gouvernements relatifs aux dispositions législatives destinées à gérer la crise. Les témoignages que renferme cet ouvrage fournissent des exemples de la manière dont réagissent concrètement les entreprises à la nouvelle situation.  

Parmi ce que l’on peut retenir de ces témoignages c’est un repositionnement du DRH parmi l’équipe de dirigeants.  En effet la crise du covid-19 a révélé l’importance de la GRH pour la gestion de la crise, voire la pérennité de l’entreprise lorsqu’il faudra restructurer, se séparer de certains employés, établir une stratégie RH et s’engager collectivement à l’implémenter face aux risques et à l’incertitude. 

Selon certains témoignages, la crise a favorisé le dialogue social, aiguisé le souci du bien-être des collaborateurs et induit plus de de proximité, de communication, d’entraide, d’empathie de la part des managers, l’instauration d’une culture orientée vers l’innovation et l’intrapreneuriat.  Beaucoup d’autres témoignages soulignent les efforts consentis en matière de digitalisation aussi bien pour réaliser certaines fonctions que pour assurer la circulation de l’information. Pour certaines organisations, comme on relève dans le témoignage de la CDC, le souci est double en matière de GRH : entretenir son activité et maintenir son capital humain. 

De tels témoignages reflètent une réactivité positive d’entreprises qui placent désormais la GRH au centre de leurs stratégies. Le nouveau cadre juridique qui a donné une place au dialogue social et à la responsabilité sociétale de l’entreprise, pourrait aider à la diffusion de telles approches, à condition que l’Etat applique intégralement les dispositions prévues par la loi. Quant aux entreprises, il s’agit d’assurer leur pérennité en conjuguant préservation des emplois, bien-être des collaborateurs et performance. Une équation à résoudre au cas par cas, tout en s’armant de flexibilité et de capacité d’innovation en usant des différentes dimensions de l’intelligence dont celle émotionnelle.

1 COMMENTAIRE

  1. Merci pour les Deux équipes Arforghe et Kas pour ce travail remarquable ,une relance après un virus mondialisé à partir d’un pays qui a provoqué une chute économique ,une terreur chez l’homme avec un crime contre l’Humanité .La Chine reste sans punition. Comment relancer une Economie après cette situation ,nous souhaitons que l’environnement social aidera ceux qui ont programmé la reprises. Bon Courage

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