La transmutation académique

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Kaïs MABROUK

L’éducation tunisienne ne s’est pas sérieusement renouvelée depuis sa création. En effet, depuis, peu ou pas de réformes profondes en phase avec ce que nous sommes réellement, ce dont nous avons besoin, ce que le Nouveau monde exige et les aspirations d’une éventuelle future Nation puissante, ne se sont consolidées ou ne se sont faites remarquer dans les programmes pédagogiques successifs. A titre d’exemple, l’histoire enseignée.

Elle a toujours comme centre de gravité le Moyen-Orient. La Tunisie, l’unique héritière légitime de la puissante civilisation carthaginoise, n’y est observée que comme une conséquence systémique d’une civilisation orientale. Tout le reste n’est que profanation.

De même pour les autres disciplines. Elles ne dérogent pas à la règle.  L’enseignement est toujours modulé en fonction d’une éventuelle formation – d’ingénieurs, de médecins, d’architectes, de financiers ou de tout autre cadre – adapté à un marché du travail qui n’est pas le nôtre, plus à une industrie européenne, voire internationale. Ce qui encourage les parents à se focaliser sur les parcours internationaux qui feront éventuellement voyager leurs enfants ou autrement dit qui permettraient une « 7ar9a » légale. 

Cette dernière volonté parentale a créé un besoin qui lui a donné lieu à un marché rémunérateur. Depuis la révolution, nous avons vu la prolifération des écoles internationales en Tunisie. Le réseau AEFE a plus que doublé en dix ans, les Turcs avec leurs écoles gouvernementales ou les écoles associées se multiplient, les écoles British se développent, les écoles américaines se consolident, et les écoles canadiennes ont le vent en poupe… Les tarifs quant à eux ont dépassé les 20 mille dinars par an ! Un coup de massue pour l’égalité des chances. Heureusement pour la classe moyenne, il reste encore quelques écoles privées accessibles. Néanmoins, plus leurs taux de réussite aux concours s’élèvent et plus leurs tarifs sont revus à la hausse. 

Les résultats des concours d’accès aux collèges et aux lycées pilotes de cette année marquent un tournant dans l’histoire de l’école publique. En effet, 70% de ceux qui ont eu accès aux écoles publiques républicaines de qualité viennent des établissements privés. Est-ce surprenant ? Non ! C’est une conséquence naturelle des grèves intempestives, de la dégradation des infrastructures et du recrutement anarchique des instituteurs. 

Il nous reste deux choix à faire : Reconnaître les faits de transmutation et les accepter, ou rectifier le système dans son intégralité et l’adapter aux éventuels enjeux nationaux, qui eux tardent encore à se faire connaître. Dans un sens ou dans un autre, l’État doit prendre le sujet très au sérieux et accorder à la réforme de l’éducation un degré élevé de priorité autant que celui de l’économie, de l’environnement, de la sécurité ou de la santé.

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