La société tunisienne Kamioun lève 400.000 dollars pour optimiser l’écosystème de distribution des « 100.000 » petits commerces

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Les commerces de proximité sont la pierre angulaire du tissu social tunisien et la colonne vertébrale de l’économie. En Tunisie et l’ensemble de l’Afrique du Nord, les épiciers de quartier ne servent pas seulement à acheter des biens de consommation courante, mais aussi de bouffée d’air pour des ménages ayant des difficultés financières à qui ils donnent du crédit. Ils sont des lieux de rencontre entre voisins et lieux de dépôt d’objets divers. Et bien qu’ils acheminent pour plus de 9 milliards de dollars de produits quotidiens aux Tunisiens, les détaillants souffrent toujours de réseaux de distribution défaillants.

Avec l’opacité des prix et les problèmes de distribution dus à des partenaires peu fiable, les petits commerçants tunisiens passent par au moins deux couches d’intermédiaires, ce qui ajoute à la complexité car ils sont confrontés à un trop grand nombre d’intervenants, chacun offrant des assortiments trop limités.  Il en résulte une perte de temps et un manque à gagner (en raison de l’indisponibilité du produit ou de prix élevés) qui s’ajoutent à des marges déjà faibles. Le consommateur final finit par en payer le prix et se tourne de plus en plus vers les succursales de la grande distribution, même si elles sont plus éloignées, moins flexibles et plus chronophages.

D’autre part, les marques n’ont aucun outil ou relation avec ces magasins pour piloter la performance de leurs produits et leur rayonnement et ne peuvent donc pas agir. La startup tunisienne Kamioun résout ce problème via une plateforme B2B mobile pour les détaillants, qui est leur interlocuteur unique et fiable avec un large assortiment, des prix attractifs et une livraison gratuite. Les fabricants qui travaillent avec Kamioun ont accès à un vaste réseau de détaillants et à des rapports d’information commerciale très détaillés. 

Le fonds d’investissement panafricain Janngo Capital a dirigé ce tour de table. Ce tour a également inclus la participation d’Anava Seed Fund (fonds Flat6labs), Dakar Network Angels, des business angels existants et nouveaux, ce qui porte la levée totale de Kamioun à 400K$.

Fondée par Fares Belghith, la première mission de Kamioun est de réduire les inefficacités et le gaspillage à travers la chaîne d’approvisionnement du commerce de détail en raison d’un manque de transparence, d’optimisation et de volatilité des prix.

L’entreprise a démarré en 2020 pendant la pandémie du Covid-19 et l’équipe a fait une tournée à travers plus de 20 magasins pour étudier différentes chaînes de distribution pour les petits commerces de détail. Ils ont découvert que les magasins de quartier avaient du mal à se réapprovisionner efficacement après que le gouvernement a ordonné à de plus grands détaillants, comme Carrefour, de fermer leurs portes pour une durée indéterminée, et ont repéré d’autres inefficacités qui pourraient être résolues par la technologie.

Kamioun a alors été le premier à mettre en place une solution logistique de bout en bout pour le commerce électronique, ce qui lui a permis de mieux contrôler les délais de livraison, le service à la clientèle et la qualité des envois. La satisfaction des clients s’en est trouvée accrue, ce qui a permis à l’entreprise de se démarquer de ses concurrents dans la région et, par la suite, de créer un effet de réseau très fort et de gagner la confiance des détaillants et des fabricants locaux. 

Kamioun prévoit d’utiliser les fonds pour augmenter l’offre de produits avec une plus grande disponibilité, affiner les opérations et la solution, embaucher des talents, et accélérer la croissance pour atteindre plus de détaillants et les convertir en utilisateurs actifs.

La société constate également une adoption rapide de la part des entreprises locales et envisage une expansion internationale au cours de l’année prochaine dans certaines régions d’Afrique du Nord. Elle a l’intention de lever de nouveaux fonds dans les mois à venir pour se développer dans de nouvelles villes et sur de nouveaux marchés.

Après avoir dirigé les opérations de Jumia (Kenya et Nigeria) et avoir été directeur du commerce électronique de Carrefour Tunisie, Fares Belghith, fondateur et PDG de Kamioun, estime que le passage de la logistique traditionnelle à la logistique du commerce électronique permettra aux magasins familiaux de redevenir le centre du quartier et d’entrer de plain-pied dans le XXIe siècle, car le secteur de la logistique sera probablement entièrement numérisé d’ici une dizaine d’années. 

« Notre point d’entrée est la chaîne d’approvisionnement, en nous assurant que le processus de réapprovisionnement du détaillant est le meilleur de sa catégorie et en le soutenant progressivement sur d’autres aspects de son activité (par exemple, la gestion des stocks, les ventes…). Mais, les détaillants étant le plus grand réseau de tout ce qui existe dans la région, ils ont le potentiel d’être le lieu de rencontre des citoyens et des entreprises. Ils pourraient être le mandataire d’une tonne d’entreprises qui ont du mal à atteindre leurs clients. Les citoyens pourraient payer leurs factures dans le magasin du quartier, récupérer (ou passer) leurs commandes en ligne ou peut-être les 60% de Tunisiens non bancarisés pourraient-ils y effectuer leurs opérations bancaires. Les magasins familiaux connaissent le mieux leurs communautés et nous pensons qu’ils peuvent être des vecteurs de confiance et d’adoption pour les entreprises en ligne », a-t-il déclaré. 

Le fait de travailler sur plusieurs marchés émergents, et notamment de vivre au Kenya (pays d’origine de M-Pesa), lui a permis de constater qu’il n’est pas toujours possible de reproduire sur un marché émergent quelque chose qui fonctionne en Occident. Le grand nombre de d’épiciers de quartier est une spécificité des marchés émergents, tout comme le manque général de confiance dans les transactions commerciales, qui rend l’innovation compliquée. Et c’est l’opportunité que nous voyons : les petits commerces comme vecteur d’innovation et de confiance, fournissant une connectivité et des services en temps réel à leurs clients » a déclaré le PDG de la société dans un communiqué.

En un an et avec plus de 1000 clients, Kamioun a triplé ses revenus et doublé sa base de clients, prouvant ainsi l’adéquation du produit au marché avec des ressources limitées.

Fatoumata Ba, fondatrice et présidente exécutive de Janngo Capital est convaincue de l’énorme opportunité de croissance du secteur de la Retail Tech en Afrique du Nord.

« 80% des achats des consommateurs en Tunisie et dans la région du Maghreb sont effectués dans de petits magasins indépendants et représentent un marché de 9 milliards de dollars en Tunisie et d’environ 50 milliards de dollars dans toute la région du Maghreb. C’est pourquoi nous sommes convaincus par l’énorme opportunité de croissance du secteur de la Retail Tech en Afrique du Nord. Kamioun a démontré sa capacité à offrir un “one-stop shop” aux petits détaillants et aux fabricants de produits de grande consommation et à améliorer leurs ventes, augmenter la disponibilité de leurs produits et réduire leurs coûts », a-t-elle ajouté.

S’exprimant également sur l’investissement, Walid Triki, managing director d’Anava Seed Fund, a déclaré : « …Malgré l’impact continu de la pandémie, Kamioun a accéléré les tendances digitales et augmenté l’importance de solutions et business model digitaux. Cette place de marché B2B apporte une véritable solution aux fabricants de FMCG et aux petites épiceries. Cette industrie a besoin du produit de Kamioun, qui résoudra de nombreux défis auxquels sont confrontés les petits détaillants. Ce tour de table permettra à Kamioun d’être prêt et technologiquement mature, avant de commencer à s’intéresser sérieusement à la région du Maghreb. Faire partie du futur succès de Kamioun est très excitant pour nous. »

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