La Banque Centrale de Tunisie (BCT) vient de dévoiler son rapport annuel, mettant en lumière les principaux défis et réalisations de l’économie tunisienne et de l’institution en 2023, dans un contexte marqué par des chocs internationaux et une inflation persistante.
Contexte international et national
L’économie mondiale a montré des signes de stabilisation en 2023 avec une croissance de 3,2%, bien que la résurgence des tensions géopolitiques et la hausse des taux d’intérêt aient ralenti les échanges commerciaux, qui n’ont progressé que de 0,3%. L’inflation mondiale a reculé à 6,8%, après avoir culminé à 8,7% en 2022.
En Tunisie, l’économie a connu une croissance limitée à 0,2% en 2023 contre 2,8% en 2022, principalement à cause de la baisse de la production agricole et des hydrocarbures, aggravée par un stress hydrique persistant. En revanche, les secteurs du tourisme et des industries manufacturières exportatrices ont enregistré de bons résultats, limitant ainsi l’impact des chocs extérieurs.
Politique monétaire
Face à ces défis, la BCT a maintenu son taux directeur à 8% tout au long de l’année 2023, dans le but de contenir les pressions inflationnistes. Cette politique monétaire prudente visait à juguler les pressions inflationnistes et à maintenir la stabilité du dinar, en évitant un désencrage des anticipations inflationnistes. Bien que cette approche ait limité l’accès au crédit pour les entreprises et les ménages, elle a permis de contenir l’inflation à 8,1% en décembre 2023, après avoir atteint un sommet de 10,4% en février. Cette politique a également conduit à une faible progression des crédits à l’économie, qui n’ont augmenté que de 2,5%, contre 7,9% en 2022.
Chômage et inflation
Le taux de chômage s’est élevé à 16,4% en 2023, en hausse par rapport aux 15,2% de l’année précédente, reflétant les difficultés structurelles du marché du travail. L’inflation, bien qu’en baisse, est restée élevée à 8,1% en décembre 2023, après avoir atteint un pic de 10,4% en février de la même année. En moyenne annuelle, l’inflation s’est établie à 9,3% contre 8,3% en 2022.
Finances publiques et secteur extérieur
Le déficit budgétaire, hors privatisations et dons, a légèrement diminué à 7,4% du PIB en 2023, contre 7,9% en 2022, en raison d’une amélioration des ressources propres et d’une stricte politique de maîtrise des dépenses. Le taux d’endettement public a légèrement augmenté à 83% du PIB.
Sur le plan extérieur, le déficit courant s’est réduit à 2,2% du PIB, contre 8,8% en 2022, principalement grâce à la contraction du déficit commercial, à la hausse des exportations et à la diminution des importations. Les exportations ont augmenté tandis que les importations ont diminué, traduisant un ralentissement économique, mais aussi un rééquilibrage du commerce extérieur. En outre, l’augmentation des recettes touristiques et des transferts des Tunisiens résidant à l’étranger a contribué à renforcer cette amélioration.
Gestion des réserves en devises
Les avoirs nets en devises ont atteint 26 408 millions de dinars, soit l’équivalent de 120 jours d’importation à la fin 2023, contre 22 949 millions de dinars (100 jours d’importation) à la fin de 2022. Cette augmentation des réserves a été cruciale pour maintenir la stabilité du dinar face aux principales devises.
Initiatives pour l’inclusion financière
La BCT a poursuivi ses efforts pour améliorer l’accès aux services financiers, notamment pour les populations vulnérables (femmes, jeunes, zones rurales). En 2023, elle a travaillé avec des banques et des fintechs pour élargir l’accès aux paiements digitaux, réduisant ainsi la dépendance au cash. Ces initiatives incluent des services spécifiques pour les Tunisiens résidant à l’étranger, facilitant les transferts de fonds et les paiements en Tunisie.
Coopération internationale et renforcement des capacités
En 2023, la BCT a intensifié sa coopération technique avec plusieurs institutions financières internationales et banques centrales, renforçant ainsi ses capacités institutionnelles. Un mémorandum d’entente a été signé pour un projet pilote en Afrique, favorisant le partage des connaissances entre banques centrales africaines et européennes. La BCT a également collaboré avec des partenaires comme le Fonds Monétaire Arabe, l’Agence de Développement Allemande (GIZ) et la Banque Mondiale sur des thèmes tels que la digitalisation, l’inclusion financière et la finance verte.
Renforcement de la gestion des risques
En 2023, la BCT a pris des mesures pour améliorer la gestion des risques opérationnels et financiers en lançant plusieurs projets stratégiques dans le cadre de son plan 2023-2025. Ces projets visent à renforcer le dispositif de contrôle interne, la sécurité des systèmes d’information et la conformité aux meilleures pratiques internationales, notamment dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LAB/FT).
Promotion de l’éducation financière
Un Programme National d’Éducation Financière (2023-2027) a été lancé en 2023, avec des ressources numériques et des campagnes médiatiques, dans le but d’améliorer la compréhension des services financiers et de favoriser une utilisation plus large des services bancaires formels.
Plan stratégique 2023-2025 : soutien à l’innovation et transformation numérique
Dans le cadre de son deuxième plan stratégique 2023-2025, la BCT a lancé plusieurs projets axés sur la transformation numérique et l’innovation financière.
Parmi ces initiatives :
Mise en place d’un dispositif de management d’innovation pour renforcer la résilience de la BCT et promouvoir l’innovation dans le secteur bancaire tunisien.
Adoption de l’Open Banking, une approche visant à faciliter le partage transparent des données et à encourager l’innovation dans le système financier tunisien grâce à une meilleure intégration des fintechs.
Modernisation des systèmes de paiements digitaux, avec pour objectif de faire des paiements numériques un levier pour la croissance inclusive et l’inclusion financière en Tunisie.
Perspectives pour 2024
Pour l’année 2024, une légère reprise est attendue avec une croissance projetée à 1,6%, soutenue par une meilleure saison agricole et la résilience du secteur touristique. Toutefois, les incertitudes liées aux tensions géopolitiques et aux finances publiques pourraient encore peser sur l’économie tunisienne.
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