Jabeur Ben Attouch : «Plus de 6 mois ont été perdus en tergiversations et en hésitations avec l’Etat.»

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Jabeur Ben Attouch président de la FTAV

Le secteur des agences de voyages vit une grosse hécatombe. Quelle en est l’ampleur ?

Depuis le mois de mars, nos activités sont totalement à l’arrêt. Les agences de voyages sont frappées de plein fouet par les conséquences du Covid-19. Plusieurs dizaines d’entre-elles ont déjà fermé leurs portes ou bien réduit leur activité. Au final, plus de 90% des agences vont cesser leur travail d’ici la fin de l’année après avoir tenté de résister tant bien que mal ces derniers mois sans chiffre d’affaires, ou, dans le meilleur des cas, avec une activité quasi-nulle et donc absence de recettes suffisantes ne serait-ce que pour subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Malheureusement, il faut s’attendre à de nombreuses faillites et aussi à des licenciements de personnel, et cela est très grave sur le plan économique et social.

Est-ce que les grandes agences vont s’en sortir ? 

Dans le cas de la crise actuelle, le Covid n’a fait aucune différence entre petite ou grande agence. Il ne s’agit pas de la taille de l’agence, toutes sont frappées au même niveau. Les agences réceptives et de transport sont touchées par la chute des arrivées de touristes étrangers et, dans la foulée, par l’absence de toute excursion. Les agences spécialisées dans la Omra sont affectées par la fermeture totale des Lieux Saints décidée par les autorités saoudiennes. Les agences événementielles sont gravement impactées par l’arrêt des opérations MICE et incentives. Beaucoup d’agences ont des gros engagements financiers, à savoir des crédits bancaires et leasing pour le paiement des nouveaux bus ou 4X4 acquis en 2018 et 2019 suite à l’embellie enregistrée par le secteur touristique à cette époque.

Le tourisme local peut-il favoriser un atterrissage en douce ?

Contrairement à ce qui est véhiculé par certaines parties, le tourisme local est loin de pouvoir couvrir le manque à gagner des agences de voyages. Le tourisme intérieur reste très limité dans le temps et ne connaît des pics d’activité que durant les vacances scolaires et d’été. Le client local a pour caractéristique de résider essentiellement sur les longs weekends ou profiter des jours fériés. Le taux de résidents d’une semaine et plus n’est pas très élevé. Le tourisme local est certes important mais insuffisant à la survie des agences de voyages. De plus et au cours de l’été écoulé, nous avons constaté une baisse de la demande consécutive à la crise économique qui touche le pouvoir d’achat du citoyen tunisien.

L’Etat fait-t-il la sourde oreille ?

Au niveau de la FTAV, nous avons, depuis le début de la crise, engagé des discussions et des négociations avec les deux gouvernements qui se sont succédé. Nous avons apporté des propositions concrètes pour tenter de sauver les entreprises et les emplois. Certaines de nos revendications ont été entendues mais la majorité ne l’a pas été. Il a fallu attendre le 16 novembre 2020 pour que soient prises en considération certaines décisions arrêtées par un CMR du 30 avril. Autrement dit, plus de 6 mois de perdus en tergiversations et en hésitations. Les dernières décisions gouvernementales n’apportent qu’une réponse partielle à nos revendications, et notamment les reports d’échéances fiscales que nous avions sollicitées. Il s’agit donc de ce que je qualifierai de « mesurettes », même pour ce qui concerne le tourisme saharien dont les agences dans la région sont, elles aussi, dans une situation économique déplorable. Malgré cela, nos confrères du sud-est ne baissent pas les bras et demeurent admirables dans leur position en faveur de la préservation du produit touristique.

Quels sont les secteurs secondaires menacés par la crise des voyagistes ?

Je préférerais parler de secteurs-partenaires étroitement liés à notre activité en tant qu’agences de voyages. Les hôtels sont nos partenaires privilégiés. Ils sont affectés par la crise autant que nous. D’ailleurs, avec nos partenaires de la FTH, nous nous consultons très régulièrement et échangeons sur la position à adopter. Les tour-opérateurs étrangers qui sont nos émetteurs de touristes sont dans une situation extrêmement difficile. Sans parler des OTA (agences en ligne qui envoient des clients individuels). Les compagnies aériennes, qu’elles soient tunisiennes ou étrangères, sont aussi très impactées par la fermeture des frontières ou par les restrictions de voyages qui ont été mises en place en Tunisie mais aussi partout dans le monde. Cette situation a affecté nos agences de voyages spécialisées dans la billetterie aérienne qui enregistrent un effondrement de la vente de billets d’avion qui s’ajoute à d’autres problèmes de remboursement de billets non utilisés par leurs clients, par les cautions excessives qui continuent d’être exigées par l’IATA (l’Association internationale du transport aérien)… 

Malgré cela, nous voulons garder espoir en un avenir meilleur et dans la reprise prochaine du secteur, le tout étant de pouvoir survivre dans les conditions actuelles et sauver le tissu économique des agences de voyage et leurs ressources humaines.


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