Hela Kaddour Fourati :«Le TAEF est engagé pour l’impulsion au développement des PME tunisiennes.»

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Hela Kaddour Fourati Managing Director TAEF

Interview avec Hela Kaddour Fourati, Managing Director – TAEF

Pouvez-vous vous présenter ? Parlez-nous de vous, de votre parcours…

Hela Kaddour Fourati, je suis diplômée Expert-comptable et titulaire d’un DEA en comptabilité des universités tunisiennes IHEC et ISCAE. J’ai commencé ma carrière en 1998 au sein de cabinets d’audit et d’expertise comptable en Tunisie. J’ai eu par la suite l’opportunité en 2004 d’intégrer une banque d’affaires et de capital investissement qui opérait sur la région MENA, une expérience extrêmement enrichissante qui m’a exposée au métier de l’investissement et du Private Equity au sein d’une équipe de professionnels chevronnés. J’y ai passé près de 8 ans avant de rejoindre TAEF.

Sur un plan personnel, je suis maman de deux jeunes hommes qui poursuivent leurs études d’ingénieurs en Allemagne et, en tant qu’amatrice, comédienne de théâtre ayant participé à de nombreuses pièces produites par EL Teatro. 

Parlez-nous plus précisément de TAEF : Quand cette initiative a-t-elle vu le jour ? Un lien avec la révolution de 2011 ?

J’ai rencontré Bowman Cutter, le président de TAEF, quelques mois après la révolution tunisienne. Il m’a parlé de l’initiative du Congrès Américain de lancer un fond d’investissement de $ 100m dédié à la Tunisie et à la PME du secteur privé plus particulièrement. Il était en Tunisie pour la mise en place de ce fond avec les autorités de la place et il désirait recruter le Lead en Tunisie pour cette initiative afin que celui-ci constitue une équipe de professionnels tunisiens capable de mener à bien le projet.

Nous étions tous à cet instant de nos vies emportés par la fibre nationale d’apporter notre contribution d’une manière ou d’une autre à ce que l’on qualifiait de Momentum historique pour la Tunisie. J’ai donc décidé de relever le défi et une fois les aspects administratifs et de mise en place de TAEF finalisés aux Etats Unis, ce qui a pris un peu de plus temps que prévu, j’ai pris le relais à Tunis. J’y percevais une aventure entrepreneuriale extraordinaire à laquelle je pensais pouvoir apporter mon expérience et mes acquis, une volonté inébranlable et la certitude de pouvoir impacter positivement la PME tunisienne, son écosystème, ses hommes et ses femmes. 

TAEF s’est donné pour mission d’investir dans l’entreprise tunisienne et de l’accompagner dans la phase de transition économique post-révolution, soutenir les PME dans leur objectif de croissance pérenne inclusive et globale, créer des emplois, soutenir l’entrepreneuriat et contribuer à renforcer les perspectives et potentiels de développement sociaux comme le soutien des jeunes et l’inclusion féminine et régionale. 

A ce jour, TAEF déploie du Smart Capital selon 3 critères : l’innovation, l’impact multi-dimensionnel au sein même de la PME financée et la stimulation de son écosystème financier. 

Ce Smart Capital peut prendre la forme d’une augmentation de capital, d’un financement mezzanine, d’une dette privée, de venture capital associé à des services d’accélération ou de reprise d’entreprises.

Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place et la réalisation de ce grand projet ?

Le premier challenge à relever était tout d’abord de réfléchir sur ce que nous voulions faire. Et surtout ce que nous ne voulions pas faire. L’idée était de mettre en place une stratégie d’investissement innovante pour l’impulsion au développement et de déployer intelligemment le Smart Capital de TAEF. 

Nous avons pris le choix délibéré d’intervenir sur plusieurs volets : le micro-entrepreneur, l’entrepreneur digital, l’entrepreneur de la PME traditionnelle et l’entrepreneur «chercheur». Une stratégie de financement certes ambitieuse et qui implique la mise en place de divers instruments et la création de différentes structures légales adaptées à chaque type d’investissement. 

C’est là qu’est apparu notre second challenge et non des moindres : s’adapter à la législation en vigueur, s’engager dans les longs processus d’autorisation, faire face aux limitations de droit imposées pour des investisseurs étrangers, composer avec les diverses restrictions sectorielles, s’assurer de la faisabilité tant juridique que sur le plan des changes des mécanismes de financement proposés par TAEF et assumer l’impact des procédures administratives souvent longues et fastidieuses.   

Il me semble que c’est le challenge de tout entrepreneur que je me devais de relever pour la mise en place et la réalisation de TAEF. Nos institutions et leurs compétences demeurent toutefois solides et à ce titre je tiens à souligner la qualité de la collaboration et des interactions que nous avons eues avec les divers intervenants.

Nous avons pu remarquer que la femme et les jeunes sont encouragés de manière particulière. Pouvez-vous nous parler de la jeunesse et de la femme tunisienne ?

En Tunisie, nous faisons face à une contradiction déconcertante : la place avant-gardiste de la femme tunisienne énergique dynamique et courageuse, pionnière en matière de droits, largement engagée dans le processus de développement du pays avec un rôle de premier ordre joué lors de la transition démocratique et d’un autre côté, un classement alarmant en matière d’égalité de genre, de participation économique et opportunités de travail des femmes qui, malgré leurs niveaux d’instruction souvent supérieurs à celui des hommes ont une faible intégration dans la vie professionnelle économique.

L’intégration des jeunes tunisiens dans la vie économique reste également un projet encore inachevé en Tunisie malgré une population de près de 51% ayant moins de 30 ans. On constate encore la discrimination, la marginalisation et le manque d’accès aux opportunités économiques ou d’emplois.

Parmi les facteurs clés de la réussite de la mission de TAEF, il y a la promotion et l’encouragement des investissements conduits par les femmes et les jeunes. Cela fait non seulement partie de notre mandat avec le Congrès Américain mais également des objectifs fixés par l’équipe et le management pour répondre aux mieux aux objectifs de développement durables (ODD) des Nations-Unies.

C’est la raison pour laquelle notre deal sourcing cherche à identifier les opportunités d’investissement portées ou dirigées par des femmes et/ou des jeunes. Nous portons aussi une attention particulière sur la composition des organes de gouvernance, la participation inclusive des femmes dans la mesure du possible et l’emploi équitable de femmes et ou de jeunes au sein de l’entreprise et plus particulièrement dans les postes de management

C’est aussi dans cet esprit que TAEF a soutenu et investi dans l’accélérateur et le fond d’amorçage dédié aux startups : 90% des emplois sont des jeunes, +20% des fondateurs sont des femmes et près de 40% des emplois sont assurés par les femmes. 

Toujours dans le même contexte, TAEF a créé le Fellows Program entièrement dédié aux étudiants : il s’agit d’une plateforme unique offrants aux étudiants à la recherche de stages des opportunités d’intégrer une des entreprises de TAEF, créant un Alumni de Fellows dont la dynamique est exceptionnellement enrichissante et bénéficiant également de formation et d’accompagnement dans divers domaines. A ce titre, plus de 67 étudiants ont été accompagnés dans leur première expérience professionnelle en tant que stagiaires dont 38 étudiantes

Enfin, cette attention particulière pour l’égalité du genre et la jeunesse tunisienne se retrouve même au sein de l’équipe de TAEF composée à +60% de femmes et de 3 femmes siégeant à son conseil d’administration.

La moyenne d’âge de l’équipe est de 33 ans.

Si vous deviez nous parler de vos meilleures réussites concernant vos objectifs, quelles seraient-elles ?

Nous avons réussi à ce jour à engager la quasi-totalité des fonds qui nous ont été alloués et cela a été le plus grand défi relevé dans le cadre d’une transition économique et sociale particulièrement difficile depuis la révolution et la mise en place de cette initiative. Nous avons créé des liens indéfectibles et solides avec nos sociétés, nos partenaires, nos co-investisseurs et tous ceux qui nous ont accompagnés dans cette aventure en impactant positivement et de manière innovante les entreprises et leur écosystème. Recruter des talents et réussir leur montée en compétences dans un esprit sain de collaboration a été également pour moi un challenge primordial que je pense avoir modestement relevé.

Je demeure particulièrement fière d’avoir réussi à introduire un tout nouveau concept d’investissement en Tunisie : le search Fund qui adresse la problématique des transmissions d’entreprises, de successions et de reprises. Concept initié aux USA dans les années 80 à Harvard Business School, j’ai fait le pari de transposer ce mécanisme de financement à la Tunisie concernée par ce type de problématiques. TAEF en a donc été le pionnier régional et une transaction a été faite par le premier Tunisian Americain Search Fund TASF en 2019 combinant également un leverage buyout, opération financière complexe et très rarement opérée sur le marché tunisien. 

La réussite de ce premier TASF a permis aujourd’hui de lancer TASF 2 et TASF 3.

Votre bilan de l’année 2020 ?

Une année exceptionnellement difficile avec une crise sans précédent qui a affecté l’humanité entière. TAEF a réussi à faire preuve d’agilité et de flexibilité pour faire face aux impératifs du moment en adaptant sa politique d’investissement, soutenant les entrepreneurs, agissant en partenaire engagé pour s’assurer de la continuité et de la résilience des entreprises.

L’année 2020 a été pour une TAEF une année de soutien plutôt que de performance mais je pense que c’est là l’essence même de notre mandat. Nous espérons que cette nouvelle année, bien qu’aux débuts difficiles, puisse nous faire venir à bout de la crise du Covid-19 afin de pouvoir pleinement libérer le potentiel de croissance des PME tunisiennes. Nous demeurons actifs, mobilisés et engagés 

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