Gestion d’une entreprise privée vs entreprise publique

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Selma Benkraiem

Le mois de Janvier rime avec les vœux et donc je saisis l’occasion pour vous présenter mes vœux les plus sincères pour cette nouvelle année administrative ! 

Je suis partisane du partenariat Public – Privé ; le privé sans le public ne peut pas avancer ; et vice- versa, le public sans le privé ne peut pas construire à long terme, donc nous devons toujours veiller à ce que des passerelles se créent entre les deux entreprises.  

Encore mieux voir des compétences qui essaient les deux structures et à chaque fois faire un partage d’expériences… 

Longtemps l’état d’esprit de travailler dans le public régnait en Tunisie; nos jeunes aspirent au public non pas pour apprendre, évoluer et construire une carrière mais tout simplement parce que nos jeunes cherchent, essentiellement, la stabilité et la  «sécurité» au sens « recevoir son salaire à temps »…

N’était- il pas malheureux qu’un jeune qui est en début de carrière, cette phase capitale de  construction de son expérience, cherche désespérément à être stable dans une structure publique pour « être peinard « et ne pas craindre le licenciement. Cet état d’esprit de la majorité de nos jeunes prime surtout dans les régions, ces jeunes qui préfèrent travailler pour le public car, pour eux, le privé offre des emplois précaires sans aucune sécurité (Sociale, titularisation, avancement, etc…)….

Par contre, les jeunes qui évoluent dans des environnements internationaux avec des normes et un savoir-faire à l’international se font rares pour qu’ils basculent du côté du public par ce que nous avons toujours l’idée reçue que le public est «archaïque», « anarchique », manque d’organisation et n’assure aucune garantie d’évolution dans la carrière (parcours professionnel et bien être).

Etant une fille du privé et ayant collaboré avec les entreprises publiques, j’ai toujours eu du respect et de l’admiration auprès de nos compétences et leur amour pour la patrie, le système B est toujours de rigueur pour certains car « la machine ne doit pas s’arrêter en dépit de la situation du moment ».

Une personne que j’ai connue sous une autre casquette, une personne qui fait bouger les choses là où elle passe et ce qui  est le plus merveilleux c’est qu’elle est trentenaire… Notre jeunesse n’est-elle pas magnifique ? N’est-elle pas responsable ? N’est- elle pas audacieuse et entreprenante ? J’ai l’immense plaisir de partager le choix de cette personne et je pense qu’elle marquera, par son passage, et de son empreinte, cette institution publique, que je chéris tout particulièrement.  

Entretien avec Mr Youssef Fennira, Directeur général de l’Agence Tunisienne de l’Emploi et du Travail Indépendant (ANETI)

Quel est le bilan de vos 6 premiers mois ?

Au-delà de la difficulté de la tâche, c’est tout l’honneur de servir son pays qu’on retient, particulièrement lorsque le contexte est tel que l’on connaît. On se sent encore plus utile. Ces 6 mois ont été pour moi extraordinaires d’intensité. J’ai souhaité les consacrer à la remise de l’humain au cœur de l’action de l’Agence, condition sine qua none pour obtenir des résultats concrets. L’amélioration de la qualité de nos services à l’externe ne peut se faire si nous ne nous sommes pas préoccupés de l’interne en premier lieu. C’est une conviction managériale profonde que je défends. J’ai parcouru les 24 régions lors des 4 premiers mois afin de rencontrer les 1500 employés de l’ANETI et les écouter. Hier encore, j’étais à Thala et à Dahmani pour rendre visite à la famille ANETI. J’ai aussi pris le temps d’échanger avec les citoyens et les partenaires pour mieux comprendre leurs besoins et ce qu’ils attendaient d’un service public en 2020, plus particulièrement, celui de l’emploi et de l’entrepreneuriat. Lors de mon arrivée, je me suis engagé à présenter une Vision pour l’ANETI, qui a été construite de manière participative avec tous les acteurs cités précédemment. Cela a été fait devant le grand public moins de 6 mois après mon arrivée. Nous sommes également parvenus à lever près de 15 millions d’€uros de dons pour financer les axes stratégiques de cette vision ANETI 2030 sans toucher au budget de l’Etat et les différentes commissions ont d’ores et déjà commencé le travail avec des objectifs de résultats à court, moyen et long terme pour conduire la transformation et la modernisation de l’ANETI. 

Quelles sont les forces de l’ANETI ?

Sans aucune hésitation, son capital humain. L’ANETI dispose de compétences que je n’ai jamais vu auparavant, même dans le secteur privé. Cela vous permet de revoir vos ambitions à la hausse mais d’assumer aussi le fait, que si échec il y a, vous en serez le seul responsable. On sent clairement que l’ANETI a vu passer des bâtisseurs (dont Mohamed Naceur) qui ont laissé un héritage et des fondations solides. Cet esprit doit être retrouvé et la politique de la méritocratie doit redevenir un vecteur central de motivation du personnel. Malheureusement, il faut reconnaître que ces dernières années, les critères n’ont pas toujours été basés sur des principes d’objectivité, ce qui a eu un impact direct sur l’engagement et la productivité des employés de l’ANETI. 

Quelles sont les pistes d’amélioration de l’ANETI ?

Si nous souhaitons avoir les moyens de nos ambitions aujourd’hui, il faut absolument que nous travaillons sur la modernisation de notre administration. Le citoyen ne doit plus nous associer à du « old school » comme c’est le cas aujourd’hui. Il faut donc que nous soyons prêts à écouter les critiques, à les accepter, et à nous améliorer. La vision ANETI 2030 a donc été élaborée pour répondre à l’ensemble de ces défis avec la mise en place d’une stratégie de communication et de digitalisation au service d’une nouvelle orientation complètement qualitative. Tout cela ne pourra se faire sans une mise à niveau du personnel en matière de formation. C’est pourquoi, nous sommes actuellement en cours de création de l’ANETI Académie qui a l’ambition d’être un pôle de formation internationale pour l’ensemble des services publics de l’emploi.

Pourquoi 2030 ? Pourquoi parler de Vision ?

On ne peut pas avancer si l’on ne sait pas où l’on va. Définir un cap est la première condition de la réussite de toute institution qui se respecte. Nous travaillons dans un domaine qui est en constante mutation. Nous ne connaissons pas 80% des métiers de 2030. Il est donc vital pour nous d’inverser le cours des choses en arrêtant de subir et en choisissant d’anticiper les changements à venir. L’une des remarques qui est le plus revenue lorsque j’ai rencontré les collègues concernait l’incertitude quant à l’avenir de l’ANETI et le leur par la même occasion. Les bouleversements politiques de ces dernières années ont créé une frustration importante dans l’ensemble du personnel, ce que je comprends parfaitement.

Malheureusement, nous n’avons pas la culture de la continuité. Le fait de définir une vision pour les 10 prochaines années a un effet très positif sur la motivation des employés. Ils arrivent à se projeter en termes d’évolution de carrière. Et puis franchement, si cela peut « obliger » positivement mon successeur à poursuivre sur la voie de la construction, à réajuster, sans détruire, j’aurais atteint mon objectif.  

Comment s’est fait le choix des mots d’ordre ?

Au début, je dois vous dire que lorsque vous faites un état des lieux avec les différents collègues, vous pouvez être facilement pris par un sentiment de panique tant les défis sont nombreux. Vous vous demandez par où commencer, sachant que tout est prioritaire. Il faut donc absolument garder son calme, ne rien laisser transparaître et avoir le recul nécessaire pour que vos nouveaux collaborateurs se sentent en confiance face à ces challenges. Surtout que, comme je l’ai dit précédemment, le niveau des personnes que je rencontrais était tellement élevé que je n’avais aucun droit de laisser passer une goutte de ce potentiel. C’est un peu comme les peintures impressionnistes. Si vous les regardez de trop près, vous ne voyez que des points ou des traits. Plus vous reculez, plus l’image devient claire. Nous avons donc travaillé autour de mots d’ordre tels que la confiance, la sérénité et l’humain.

Si nous avons à inverser les rôles, pouvez-vous me poser une question ?

A supposer que vous soyez mécontente de la situation du pays et de la gestion de certaines administrations qui vous sont chères, 

A supposer que vous avez la possibilité tous les jours de crier votre colère sur les réseaux sociaux face à l’évolution négative du pays, 

A supposer que votre situation dans le secteur privé est très confortable et vous laisse avoir un impact non négligeable sur votre environnement,

Seriez-vous prête à rejoindre l’administration publique si l’on vous le demande pour l’intérêt national ? A méditer…

Pour rien vous cacher, l’occasion s’est présentée et non pas une fois et à chaque fois pour des raisons personnelles, j’ai été contrainte de refuser et comme je le dis toujours, je suis votre soldat dans l’ombre et au besoin je suis au service de l’administration. 

Mon souhait est d’arriver un jour à être capable de servir mon pays officiellement et non pas dans l’ombre et lui rendre tout ce que ce beau petit pays m’a apporté dans mon éducation et dans ma vie professionnelle. D’autre part, mon père ayant été un Officier Supérieur de l’Armée Nationale et durant ses trente- cinq années de service au cours desquelles il a tout donné sans jamais rien demander, vous comprendrez très bien le sens de l’amour de la patrie qu’il m’a  inculqué.

Conclusion : 

Tout en reconnaissant les objectifs différents entre les secteurs public et privé, et en particulier en soulignant que la responsabilité et la responsabilisation pour le développement durable et inclusif, en fin de compte incombent aux gouvernements, il y a lieu de reconnaitre l’importance critique du secteur privé comme moteur essentiel de la croissance économique, de la création d’emplois, de l’innovation et du développement durable. Le secteur privé est maintenant largement reconnu comme un partenaire clé au développement, notamment par la création d’emplois décents, de biens et de services accessibles et de qualité, par son aptitude à générer des revenus et des profits et par sa contribution aux recettes publiques qui sont essentielles à l’augmentation de l’autonomie et de la croissance durable du pays. Nous devons reconnaitre pleinement les diverses formes d’engagement qu’apporte le secteur privé pour soutenir le développement, aux côtés des gouvernements, des bailleurs et de la société civile. Ces formes d’engagement incluent des activités de base, les Partenariats Public-Privé, la responsabilité sociale des entreprises et les partenariats multi- sectoriels et multi-acteurs en faveur du développement.

A travers le développement de modèles inclusifs de développement du secteur privé qui valorisent le rôle des populations pauvres comme fournisseurs, employés et comme consommateurs (par exemple, en soutenant l’accès à la santé, à l’éducation, à la micro-finance).

Rôle du secteur privé : activités de base responsable, investisseur, incubateur, partenaire pour la mise en œuvre, partenaire (potentiellement à la fois pour des aspects de financement), facilitateur, soutien au renforcement des capacités; 

Rôle du Gouvernement : facilitateur ; partenaire ; partenaire (potentiellement à la fois pour des aspects de financement et de mise en œuvre), champion, régulateur (de façon très discrète et si cela est nécessaire); 

Rôle des bailleurs : partenaire (potentiellement à la fois pour des aspects de financement et de mise en œuvre), facilitateur, soutien au renforcement des capacités; soutien au gouvernement pour créer un environnement favorable au développement des affaires ; soutien aux entreprises pour développer des modèles inclusifs;

Rôle de la société civile : conseillers, représentants de groupes de pression dans les structures de gouvernance – les partenariats multisectoriels pour le développement (par exemple dans la santé, l’éducation, le développement des capacités, les infrastructures, le développement régional économique…), dans lesquels le secteur privé mêle ses ressources et ses compétences avec celles d’autres acteurs afin d’accroître la taille de la communauté dans laquelle il opère, de gérer le risque, la réputation et les aspects légaux de ses opérations et d’avoir le cadre nécessaire (social, climat des affaires, infrastructures physiques) pour opérer efficacement.

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