EY Tunisie : Catalyseur de l’innovation financière dans la révolution fintech

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Entretien avec Ridha Meftah, EY Partner

Vous êtes en charge du secteur financier chez EY. Qui est l’homme derrière l’accompagnement des Fintechs ?

J’ai obtenu une certification Fintech de Harvard University, une certification en Sustainable Finance de Cambridge University et un master en management de l’Université Paris-Dauphine.

Chez EY, depuis plus de 20 ans, je suis passionné par la transformation du secteur financier à travers l’innovation et l’utilisation des nouvelles technologies tout en mettant l’Humain au Centre de cette transformation. Au sein d’EY, je suis l’associé en charge du Secteur financier en Afrique subsaharienne et je joue un rôle de Chief Innovation Officer.

Je suis également membre de l’Advisory Board de l’Africa Financial Industry Summit –AFIS depuis sa création en 2021 et je suis l’ambassadeur local d’une initiative internationale –No Water No Us- dont la mission se concentre principalement sur l’accès à l’eau, son assainissement, sa gestion ainsi que les impacts du climat et les conséquences sur la biodiversité.

Pourquoi EY Tunisie a choisi d’accompagner les Fintechs ?

Les Fintechs ont pour objectif de transformer le model opérationnel des institutions classiques de services financiers à travers l’utilisation des nouvelles technologies et de trouver des solutions innovantes pour le développement et la durabilité du secteur financier, un secteur clé pour le développement de l’économie et la création de la valeur ajoutée.

Il existe actuellement une dynamique d’ajustement entre les acteurs des Fintechs et les institutions traditionnelles, à savoir les banques et les compagnies d’assurance et de gestion d’actif au sein du secteur financier. Cette évolution découle de la perception initiale selon laquelle les Fintechs pourraient progressivement supplanter les modèles classiques, entraînant ainsi une certaine tension entre les deux parties. Il est essentiel de reconnaître que cette transition vers une nouvelle ère financière est inévitable à moyen terme.

Toutefois, il est impératif de noter que cette transition ne devrait pas être interprétée comme une disparition imminente des institutions bancaires classiques. Au contraire, il est plus approprié de considérer cette évolution comme une reconfiguration du paysage financier, avec les Fintechs jouant un rôle complémentaire plutôt que compétitif. Il devient ainsi crucial de reconnaître et d’apprécier le rôle significatif ainsi que l’impact considérable des Fintechs dans ce processus de transformation du secteur financier.

EY Tunisie a choisi de soutenir et d’accompagner les Fintechs/insurtech et Startup technologiques en général de ce secteur pour contribuer activement et trouver des solutions aux problématiques suivantes :

La première, c’est vraiment l’amélioration de l’inclusion financière. Nous nous sommes rendu compte que malgré le nombre actuel de banques, de compagnies d’assurance, d’institutions de micro-finance, de gestionnaires d’actifs… nous souffrons encore d’inclusion financière limitée et qu’une bonne partie de la population est écartée ou exclue du secteur financier, qu’elle n’arrive pas à ouvrir des comptes, qu’elle n’arrive pas à faire des transactions, qu’elle n’arrive pas à être assurée et ainsi de suite. Et pourquoi ? Parce que le modèle actuel des institutions financières devient très coûteux avec une gouvernance et un mode de fonctionnement peu agile. Par ailleurs, les Fintechs arrivent à mieux comprendre le comportement et les besoins des clients/citoyens leur permettant d’offrir des services personnalisés et fortement accessibles à travers des plateformes digitales plus flexibles et plus agiles.

Le deuxième axe de considération se concentre sur la diminution significative de l’utilisation du Cash. La situation actuelle dans l’ensemble de la région revêt une gravité substantielle. Le Cash en circulation représente une charge conséquente pour les régulateurs au niveau des banques centrales et l’usage prépondérant du Cash est également intrinsèquement lié à un secteur informel. Ce phénomène engendre des implications majeures, notamment en matière de corruption, d’activités informelles, de défaut de paiement, de sous-déclaration, de non-conformité et d’autres aspects connexes.

Le troisième point, c’est l’amélioration de l’expérience client pour s’adapter au nouveau comportement du consommateur et transformer le modèle actuel autour de gestion administratives de comptes, de dossiers ou des flux transactionnels vers une gestion personnalisée de l’expérience Client avec un objectif de création de la valeur.

Le quatrième aspect concerne la modernisation des modalités de traitement au sein des institutions financières. Les procédures actuelles, principalement utilisées pour le traitement des crédits, des transactions financières, de traitement des moyens de paiement ne donnent plus satisfaction et opérationnellement peu efficace. L’introduction de nouvelles technologies, telles que la blockchain, la robotisation et l’intelligence artificielle, offre une opportunité d’automatiser l’ensemble de ces processus opérationnels, améliorant ainsi l’efficacité et la précision des opérations bancaires.

Enfin, le dernier point, le cinquième, ne concerne que l’amélioration de la compliance et la transparence des transactions, avec la maîtrise des nouveaux risques.

Aujourd’hui, il y a un monde d’acteurs qui sont en place, qui s’appellent Fintechs, Insurtechs, Regtechs, etc. qui viennent trouver des solutions innovantes à ces problématiques.

Comment EY Tunisie s’assure d’accompagner ces Fintechs ?

En Tunisie, le secteur des Fintechs compte actuellement un peu plus d’une quarantaine d’entités, dont plus de 20 ont été officiellement homologuées. Notre approche se fonde sur un engagement à long terme à travers des programmes d’accompagnement s’étalant sur une période de 2 à 3 ans. En effet, les Fintechs, à divers stades de leur développement, requièrent une orientation stratégique. Notre intervention se déploie à travers plusieurs phases du cycle de vie interne de ces entreprises innovantes.

Initialement, dans la phase préliminaire, nous collaborons avec les Fintechs pour élaborer des Business Cases, notamment par le biais de Hackathons rassemblant des éditeurs et des innovateurs en vue de concevoir des solutions aux problèmes identifiés. Nous œuvrons à garantir qu’elles puissent répondre aux exigences tout en élaborant un Business Plan viable, essentiel pour attirer des investisseurs tant sur le marché local qu’international.

EY Tunisie se positionne en tant que partenaire stratégique en mettant à l’épreuve les solutions développées sur les plans technique, Business Case, impact, expérience utilisateur et sécurité. Un examen approfondi, incluant l’audit des UX et UI, est effectué pour évaluer la conformité aux normes et la sécurité des Fintechs.

Un aspect crucial de notre accompagnement concerne la contractualisation, que ce soit sur le marché local ou international, où nous nous assurons que les Fintechs sont en conformité avec les normes et les règlementations et qu’elles peuvent répondre efficacement aux exigences du marché.

Pour l’expansion à l’échelle internationale, nous exploitons le réseau mondial et les filiales d’EY, établissant des partenariats dans les pays où nous sommes présents.

Nous sommes particulièrement satisfaits de notre capacité à accompagner plus d’une cinquantaine de Startups qui ont évolué en entreprises génératrices de revenus, concluant des contrats et surmontant avec succès les défis rencontrés.

Justement. Quels sont les défis auxquels font face les Fintechs en Tunisie ?

Je pense que la première chose concerne le niveau de maturité de la Fintech. Généralement, les Fintechs sont fondées par des jeunes qui n’ont pas la maturité d’être entrepreneurs avec une vision, des Soft Skills, des compétences qui leur permettent de mieux discuter et s’engager sur le long terme. Il y a l’aspect technique, certes, mais il ne faut pas négliger les compétences managériales. Certains jeunes entrepreneurs veulent juste être riches très rapidement, alors qu’il ne faut pas oublier que les grandes Fintechs internationales ont travaillé pendant 10-15 ans pour arriver à faire quelque chose qui est pérenne. Ce manque de maturité entrave les discussions avec les investisseurs qui veulent être sûrs d’avoir un projet sérieux et concret sur le long terme. Donc, c’est une question de Mindset entrepreneurial.

Le deuxième aspect crucial concerne l’accès au marché, notamment sur le plan local ou régional. Actuellement, les Fintechs font face à une opacité substantielle lorsqu’il s’agit d’établir des partenariats avec des entreprises, principalement en raison du retard significatif accumulé par rapport aux règlementations en vigueur, qui, par ailleurs, demeurent ambiguës. Cette disparité notable par rapport à d’autres pays et marchés représente un défi majeur.

Une résistance persiste également quant à la possibilité d’offrir aux Startups des opportunités concrètes de Business, les confrontant à des situations réelles au sein d’une économie tangible où la disponibilité de données significatives est essentielle.

Un exemple illustratif de cette problématique se manifeste dans le domaine du financement participatif (Crowdfunding), lequel pourrait être ouvert à une diaspora importante cherchant à investir. Cependant, les entraves actuelles gênent la réalisation de transactions, la réception de financements en devises et l’exportation de devises, limitant ainsi les possibilités d’interaction avec cette source de financement potentiellement significative.

Comment EY Tunisie aide-t-elle les Fintechs à naviguer dans ce paysage réglementaire complexe et en constante évolution ?

Actuellement, nous collaborons étroitement avec les organismes de régulation, concentrant nos efforts sur la digitalisation des flux administratifs et le développement des services financiers digitaux. Notre approche s’articule autour de la sensibilisation et le partage des études et de connaissances (Knowledge) auprès des régulateurs, des institutionnels des acteurs du secteur privé mettant en avant l’importance de la flexibilité règlementaire, la nécessité d’émettre des régulations adaptées, ainsi que l’encouragement des acteurs du secteur dont notamment les Fintechs.

En tant que partenaire de confiance, EY se positionne au cœur de ces initiatives en cherchant à améliorer l’accès aux données, à mobiliser des fonds et à négocier des partenariats avec des bailleurs de fonds, en vue de financer d’importants projets de transformation règlementaire et de concrétiser des changements significatifs.

Notre Mantra c’est « Think Big, Start Small and Scale Fast », en mode “Test and Learn”. Il est essentiel d’expliquer que ces nouvelles tendances financières ont un impact substantiel et sont bénéfiques, réalisables et rentables. Progressant de manière incrémentielle, nous encourageons l’expérimentation, l’apprentissage et la prise de risques.

Il est impératif de considérer les Fintechs comme des partenaires stratégiques jouant un rôle essentiel dans l’évolution du secteur financier. En fin de compte, le consommateur de demain dictera le mode de fonctionnement, exigeant un point de contact unique via une plateforme entièrement digitale offrant l’accès à l’ensemble des services financiers. C’est là l’avenir inéluctable du secteur financier.

Comment se fait cet accompagnement ? Les Fintechs viennent-elles d’elles-mêmes où les sélectionnez-vous ?

Il y a les deux. Il y a des programmes d’accompagnement qui, généralement, sont financés par des bailleurs de fonds. Nous identifions l’ensemble des Fintechs/startups que nous souhaitons développer selon des critères de sélection. Cela peut être des Fintechs qui travaillent sur le paiement, sur l’assurance, sur les crédits, sur l’efficacité opérationnelle, etc. Cela dépend du domaine qu’on veut vraiment développer et du thème du programme.

Les Fintechs qui viennent d’elles-mêmes sont généralement plus ou moins matures et, ont pour objectif de développer encore plus leurs solutions ou de chercher des partenaires dans la région ou à l’international pour la scalabilité de leur business ou la levée des fonds.

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