Entretien exclusif – ANPME : LF23, le coup fatal pour les entreprises en Tunisie ?

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Entreprises Magazine a recueilli les propos de Abderrazak Haouas, porte-parole de l’Association tunisienne des petites et moyennes entreprises (ANPME). Le responsable tire la sonnette d’alarme quant à la situation des entreprises en Tunisie et pointe du doigt les nouvelles mesures de la loi de Finances 2023, qu’il considère trop peu avantageuses pour les PMEs.

Un bilan actuel désastreux

Les entreprises du secteur public et privé font face à de nombreuses difficultés. Croulant sous les dettes, ne trouvant plus les moyens de joindre les deux bouts, les entreprises, piliers de l’économie et du développement durable, entraineront dans leurs chutes tout un pays.

Le chiffres d’affaires des PMEs a reculé de 70%, les chefs d’entreprises regrettent aujourd’hui, les chiffres d’affaires qu’ils faisaient en 2020 et en 2021 alors que nous étions en pleine crise. Nous comptons 2 millions d’affaires devant la justice, 450 000 personnes recherchées pour des affaires de chèques, 200 000 entreprises en faillites et 42 000 en difficultés financières.

Loi de Finances 2023, le coup fatal pour les entreprises en Tunisie ?

Le problème avec la loi de Finances 2023 est le budget de l’Etat. Elle est essentiellement destinée aux ressources et ne donne pas d’accès aux financements qui permettraient de développer l’économie. Avec 87% destinés aux impôts, 1% don, 12% ressources hors impôts, la pression fiscale est très élevée dans cette répartition des ressources internes de l’Etat. Pour l’investissement, l’Etat n’a consacré que 5 milliards de dinars, soit 7% du budget de l’Etat, un taux très faible qui n’encourage pas et qui n’est pas un accélérateur, alors qu’en 2010 ce taux était de 25%. Ainsi, la loi de Finances 2023 représente un danger pour les deux secteurs, privé et public. Les entreprises des deux secteurs seront affectées puisque l’Etat n’a même pas honoré ses engagements depuis 2020. Plusieurs entrepreneurs et chefs d’entreprises n’ont pas été payés.

Pour les startups ?

Le gouvernement propose des lignes de crédits pour les startups mais concrètement, les entrepreneurs ne pourront pas en profiter. Si nous jetons un coup d’œil au classement de la Banque Centrale de Tunis (BCT), nous comptons 279 000 personnes physiques et 192 000 personnes morales dans les classes 3 et 4. Dans ce cas, comment peuvent-ils accéder à un crédit ? Si le gouvernement instaure des mesures, elles doivent être réalistes mais surtout réalisables et accessibles.

Finalement, aucune mesure encourageante n’a été prise pour les entreprises et les startups ?

Non. La loi de Finances ne présente aucune mesure encourageante. Certes, les jeunes pousses bénéficieront de certaines aides mais ces jeunes pousses seront un jour des entreprises et se retrouveront dans les mêmes conditions défavorables. La loi de Finances encourage les entrepreneurs et chefs d’entreprises à prendre des crédits et n’offre aucune garanti en cas de crise comme celle du covid. Il y a un réel problème au niveau des lois et du système bancaire. Nous suivons des lois beaucoup trop anciennes qui n’ont pas été renouvelés et réadaptées aux conditions actuelles.

Qu’en est-il des artisans ?

Avec la loi de Finances 2023, les artisans passeront d’un régime forfaitaire à un régime réel. Cela signifie une hausse des pénalités de retard, une hausse des déclarations, une hausse des impôts et de la TVA, ce qui est très handicapant pour les artisans qui devront avoir recours à un comptable et handicapant par conséquent pour les consommateurs qui subiront une hausse considérable des prix.

Quelles seront les conséquences ?

Face à cette situation, l’économie parallèle qui causait déjà problème, gagnera encore plus d’ampleur et aura plus de pouvoir. Le gouvernement devrait œuvrer à supprimer toute activité économique anarchique mais au lieu de ça, il incite les entreprises et citoyens à rejoindre le secteur parallèle, fuyant les contraintes financières, fiscales et juridiques, aujourd’hui trop lourdes. Pourtant, l’ANPME a, depuis bien longtemps, alarmé quant à l’économie parallèle et aux pratiques illégales nuisant à la croissance économique. Dans ce contexte, le taux de chômage risque de dépasser les 23%, le taux d’inflation continuera sa tendance haussière ce qui impactera la situation sociale.

Comment les entreprises pourront elles survivre à l’année 2023 qui est déjà considérée comme difficile ?

Elles ne pourront pas. Elles vont disparaitre. Les conditions sont trop peu favorables pour les entreprises. En élaborant la loi de Finances 2023, le gouvernement n’a pas pris en considération beaucoup de facteurs vitaux pour les entreprises et leurs dirigeants. Nous faisons face à une situation alarmante qui nécessite des mesures drastiques où toutes les parties doivent être impliquées.

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