Amine Chouaib, CEO Chifco

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Chifco est sur le point de fêter ces cinq ans d’existence. C’est donc l’heure des bilans ?
Chifco arrive aujourd’hui à une phase de croissance sur différentes dimensions. D’un point de vue externe, nous sommes entrain de monter des bureaux à Alger et de cibler de nouveaux pays en adaptant nos produits aux spécificités de leurs marchés. Pour ce qui est de nos actions en interne, nous sommes en pleine phase de renforcement de nos ressources humaines. Ceci est réalisé en adoptant plusieurs mesures : intégration de nouvelles recrues expérimentées au sein de l’équipe existante, mise en place d’un comité RH, appel à une mission de conseil RH pour le renforcement des capacités. En outre, nous sommes activement entrain d’optimiser la chaine logistique, d’améliorer les fondamentaux financiers, et de poursuivre les investissements en R&D… Nous espérons poursuivre une croissance exponentielle pour nous positionner comme le leader régional de l’Internet des Objets à destination des ménages et des petites et moyennes entreprises.

En 2015 Vous avez été élu meilleur jeune dirigeant CJD en Tunisie et en 2016 vous avez été lauréat du French Tech Ticket

C’est un grand honneur que d’être récompensé sur le plan national et international. Ceci accroit notre responsabilité et nous encourage en tant qu’équipe à repousser nos limites, faire prospérer notre entreprise et prouver surtout que nous sommes parfaitement capables à partir de la Tunisie d’innover dans des domaines très pointus et assez compétitifs. Il suffit juste de croire en notre jeunesse et ne pas avoir peur de relever quotidiennement des défis. Etre Lauréat de la French Tech est non seulement un honneur pour notre équipe mais une reconnaissance à tout un pays.

Chifco est une start up implantée en région et à Sousse pourquoi ce choix
Etant natif du Sahet et ayant grandi à Sousse, je me sens redevable d’offrir une opportunité aux jeunes des régions du centre, qui ont la volonté d’apprendre et peuvent évoluer dans des environnements internationaux tout en étant salariés dans des entreprises et PME locales.

L’internet des objets est au centre de stratégie de développement

Nous avons prévu un plan de développement ambitieux avec une volonté de nous positionner comme le leader de l’Internet des Objets à destination des ménages et des PME sur la zone MENA. En effet nous avons été les premiers (historiquement) à détecter la restructuration et l’émergence d’un pont de l’économie numérique sous l’axe transverse de l’Internet des Objets et avons massivement investi pour développer des solutions adaptées aux segments de marché les plus à même d’avoir une importante croissance sur les cinq prochaines années à savoir la sécurité, l’énergie et le confort.

Chifco s’appuie sur un important réseau international

Chifco est aujourd’hui présente avec 4 bureaux en propre et via 6 partenaires pour couvrir au total plus d’une dizaine de pays, avec des solutions différentiées en fonction de la maturité de la cible. Nous sommes notamment fiers d’avoir récemment déployé la première solution de maisons connectées aux Maldives en partenariat avec un célèbre opérateur Qatari et avançons en Algérie pour connecter le mobilier urbain (stations de bus, poubelles, corbeilles, sanitaires publics, d’équipements d’éclairage public…), au Maroc nous travaillons sur l’automobile et l’assurance…

La Tunisie digitale vue par Chifco est dans les années à venir

Les progrès réalisés chaque année dans le domaine du numérique et de la technologie en général est monumental, et la vitesse à laquelle le monde progresse est exponentielle. Les industries vivent ce qu’on appelle une transformation digitale, les conventions se sont révélées fausses, et le monde entier est en train d’être complètement transformé sous nos yeux. Afin de se différencier, la Tunisie doit arriver d’ici les 10 à 15 années à venir (horizon 2025-2030) à se spécialiser dans une niche innovante, à forte valeur ajoutée dans le but de devenir le leader mondial du secteur et une référence internationale incontournable.

Voici en quelques points sur comment CHIFCO verrait la Tunisie digitale :

Créer et promouvoir un nouveau modèle de réussite pour les startups tunisiennes et monter un label Tunisia Tech :

La Tunisie se doit de renforcer le partenariat public privé (PPP) et ce afin d’encourager l’émergence de startups locales spécialisées dans le secteur/niche défini(e) au préalable. La Tunisie se doit d’éviter de converger vers une industrie de purs sous-traitants.

En plus du secteur privé, le secteur public a aussi un rôle fondamental à jouer afin de booster les startups tunisiennes. Ce dernier devrait par exemple lancer un Appel Public à Candidature afin de sélectionner les profils des entrepreneurs. Deux types d’entreprises devraient être pris en compte : les entreprises en phase d’amorçage et les entreprises en croissance. Les entreprises en phase d’amorçage bénéficieront de formations, de fourniture de seed funding pour le lancement des projets, de mise à disposition d’espaces de co-working dans les pôles technologiques… Les entreprises en croissance quant à elles, et vérifiant un certain nombre de critères (tels que minimum 3 années d’existence, un chiffre d’affaire qui double chaque année en atteignant un certain seuil…) bénéficieront d’un traitement « red carpet » : facilitations des procédures administratives, incitations fiscales, participation à des foires ou manifestations internationales, présence privilégiée auprès du Ministre de la technologie lors de ses visites ou déplacements officiels… L’état aussi s’engagerait à octroyer certains marchés non exploités jusqu’à lors pour cette typologie de startup, en mode PPP. Par la suite, les revenus perçus seraient partagés suivant le revenu sharing model, re-dynamisant ainsi le marché des SICAR et FCPR. La promotion de ce nouveau modèle de réussite se ferait en médiatisant les success stories tunisiennes afin de redonner confiance aux jeunes en un nouveau modèle de réussite.

La priorité lors de la sélection de profils devrait être donnée à tout jeune tunisien ambitieux et innovant, cependant et une attention plus particulière devrait entre portée sur la nécessité d’attirer la diaspora tunisienne ainsi que les « young professionnals » (communément appelés « jeunes cadres dynamiques »). En ce temps de crise, la Tunisie a un réel besoin du soutien de sa diaspora. Plusieurs recherches récentes ont démontré que l’entrepreneuriat chez les immigrants vivant dans les pays les plus avancés du monde est en réelle hausse. Selon une étude la Migration Policy Institute, quatre raisons laissent à penser que la diaspora à travers la Diaspora Direct Investment (DDI) (ou Investissement Direct de la Diaspora) a un avantage comparatif lui permettant de mieux réussir sur le plan entrepreneurial : elle favorise le développement des entreprises, la création d’emplois, et l’innovation,  elle crée le capital économique, social et politique par le biais des réseaux mondiaux, elle puise dans le capital social grâce une meilleure compréhension culturelle et linguistique et elle accélère le développement du pays en général.

Développer le Freelancing dans la niche cible:

Les entreprises de nos jours doivent se doter de nouveaux talents. Un besoin en data scientists à titre d’exemple ne s’est jamais posé il y a une décennie pourtant plusieurs pays développés exigent de plus en plus cette compétence.   Une étude parue dans Le Monde révèle que les Etats Unis par exemple sont en pénurie de plus de 190 000 talents professionnels, ceux que nous appelons «métiers de demain».

Ainsi, des formations complètes et certifiantes devraient être assurées par des experts nationaux et internationaux d’entreprises provenant des pays partenaires et amis de la Tunisie…dans les universités/centres de jeunes dans les sept régions de la Tunisie afin de créer ces talents et inciter les jeunes à sortir des sentiers battus.

Pour ceux d’entre eux qui voudraient se lancer dans la Freelancing, une plateforme freelance devrait être créée à cet effet afin d’augmenter la visibilité des talents tunisiens. Cette plateforme aidera à connecter les talents et par conséquent permettra la reconversion des chômeurs et l’amélioration de l’employabilité des fraîchement diplômés et sera en partenariat avec un des leaders mondiaux du secteur tel que freelancer.com ou upwork.com

Une meilleure couverture 4G et un accès plus facile aux smart phones et aux appareils électroniques en général:

Selon le Ministère des technologies de la communication et de l’économie numérique, un Tunisien sur 7 est abonné au réseau Internet et moins d’un Tunisien sur 4 possède un ordinateur. Cette tendance doit changer. L’état doit veiller à ce que tout le territoire tunisien et plus particulièrement les régions internes de la Tunisie soient dotés d’une bonne couverture Internet et un accès plus facile aux appareils électroniques. Ceci doit se faire en améliorant les infrastructures actuelles, en réduisant le coût des abonnements et en lançant un programme de soutien à l’achat des équipements informatiques. En Inde par exemple, une entreprise spécialisée en la fabrication de téléphonie mobile nommée Ringing Bells a annoncé avoir réussi à produire le smartphone le moins cher au monde (44,60 $) et un modèle 3G baptisé Freedom 251 au prix dérisoire de (3,80 $).

Organiser la Tunisia 2020 de la technologie sous le thème de la niche cible et faire de cette conférence LE rendez-vous annuel des différentes parties prenantes :

Cette conférence aura la même envergure que la Collision conference au Texas aux Etats unis, le Pioneers festival à Vienne en Autriche, le  RISE Summit à Honk Kong en Chine ou le World Mobile Congress à Barcelone en Espagne à titre d’exemple. Cette conférence peut se faire conjointement avec un ou des pays partenaires tel que la Finlande ou Taiwan, un Tunisia2020 de la technologie en somme.

Pour finir, la Tunisie a un formidable potentiel de développement dans le digital. C’est pour cette raison qu’il y a un besoin d’une réelle prise de conscience de la part de toutes les parties prenantes afin de réaliser tous ces objectifs et bien d’autres encore et éviter les mêmes déboires qu’ont connus d’autres secteurs cantonnés à de la simple sous-traitance.
En plus des réponses, merci d’ajouter un article qui porte sur les 10 dates marquantes de Chifco

Dates clés :
2011 : Premier article média : Cette date est marquante. Un article dans les journaux qui parle de notre entreprise jusqu’alors naissante nous a donné de la visibilité, nous a encore plus responsabilisé et nous a encouragé à relever encore plus de défis. Les médias ont un rôle fondamental à jouer afin de propulser les talents tunisiens.

2012 : Premier partenariat avec Microsoft : Être parrainé par un géant comme Microsoft a été une chance inouïe pour Chifco qui a énormément appris grâce à l’accompagnement personnalisé dont elle a bénéficié.

2013 : Prix national de la maitrise de l’énergie du ministère de l’industrie, couronnement gouvernemental et reconnaissance du travail et des labeur d’une jeune équipe innovante

2014 : Signature d’un premier contrat avec un opérateur leader sur son marché pour un lancement mass market: Tout le monde nous disait que nous allons échouer et que c’était une mission impossible, pourtant nous l’avons fait. Décrocher ce contrat nous a permis de nous internationaliser plus rapidement et jouir d’une bonne réputation auprès de clients nationaux et internationaux.

2015 : Levée de fond (plus de 1MTND) : Le fruit de beaucoup de travail, de négociations, et de rigueur qui a conduit à établir une relation de confiance avec nos investisseurs. Ceci est un message pour les jeunes startups qui ont peur de trouver du financement : le financement existe, reste à savoir comment le décrocher !

2015: Conférence Wharton :  Un grand honneur pour un jeune entrepreneur tunisien de pouvoir prendre part à une conférence organisée par une université aussi prestigieuse que la Wharton school qui compte parmi ses alumnis Fred Wilson, Mortimer Zuckerman et Nassim Taleb pour n’en citer que quelques-uns.

2015 : Prix CJD : obtention du prix du meilleur jeune dirigeant Tunisien du CJD, encore a ce jour le plus jeune à l’avoir obtenu

2016 : French tech ticket: Nous étions la première entreprise tunisienne et arabe à être retenue pour la première édition. Cette initiative a été créée sous l’égide du Président français.  Une expérience formidable qui nous a permis de nous exposer encore plus à l’international et d’avoir accès entre autres à des financements internationaux notamment de la part de la BPI.

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