En 10 ans, plus de 40 000 ingénieurs ont quitté la Tunisie

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Fraîchement élu à la tête de l’Ordre des Ingénieurs Tunisiens (OIT), Mohsen Gharsi a souligné l’enjeu crucial de l’inclusion des jeunes ingénieurs dans les instances dirigeantes.

S’exprimant sur les ondes d’Express FM, il a notamment pointé du doigt le décret n°12 de 1982, qui freine leur accès aux postes à responsabilité au sein de l’Ordre.

Or, près de 40 % des ingénieurs tunisiens sont âgés de 28 à 37 ans, une tranche de professionnels qu’il juge indispensable d’impliquer dans la gouvernance de leur corps.

Selon le nouveau doyen, le registre de l’Ordre compte aujourd’hui plus de 100 000 ingénieurs, une liste que la cour d’appel exige de mettre à jour tous les trois mois. Conformément à la loi actuelle, 90 grands électeurs sont désignés parmi les membres pour élire la moitié des 20 membres du Conseil exécutif, renouvelé par tiers tous les trois ans.

Mais la vision de Gharsi dépasse les structures électorales. Il alerte sur un phénomène alarmant : l’exode massif des compétences.

En dix ans, ce sont quelque 40 000 ingénieurs qui ont quitté le pays, particulièrement dans le secteur de l’informatique. Plus de 95 % des ingénieurs informaticiens s’expatrient, souvent avec un contrat en poche dès la fin de leurs études, déplore-t-il.

Même les lauréats tunisiens de compétitions internationales ne font plus exception : trois jeunes ingénieurs de 24 ans, récemment primés aux Pays-Bas pour leurs performances en robotique, envisagent également l’émigration.

Le malaise est aussi d’ordre économique. Gharsi rapporte que de nombreux ingénieurs dénoncent une précarité croissante, aggravée par l’inadéquation entre la réalité du terrain et une nomenclature des spécialités qui n’a pas été actualisée, alors même que de nouveaux domaines apparaissent chaque année. Dans le secteur public, près de 18 000 ingénieurs occupent des postes stratégiques, mais leurs conditions salariales restent insuffisantes. Certains partent à la retraite avec une pension inférieure à 1 700 dinars, tandis que les jeunes diplômés débutent souvent avec des salaires encore plus modestes.

Cette précarité entraînerait des conséquences psychologiques préoccupantes, avertit-il. Il appelle ainsi la cheffe du gouvernement à réexaminer l’accord de février 2021 et à valider les conventions en attente. Pour le doyen, la mise en place d’un véritable statut de l’ingénieur, fixant clairement les droits et devoirs, devient une urgence. Il s’indigne par ailleurs de voir des ingénieurs poursuivis en justice pour des erreurs techniques complexes, plaidant pour que les affaires soient d’abord traitées par le conseil de discipline interne à l’Ordre, qui fait office de juridiction de première instance, avant tout recours à la justice ordinaire.

Enfin, il annonce la création d’un bureau national permanent chargé des questions liées à l’intelligence artificielle. Ce dernier travaillera en étroite collaboration avec la délégation régionale de Tataouine, signe d’une volonté d’inclusion territoriale et de modernisation des pratiques.

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