Dr Fares Mili, représente la Tunisie au 3ème Sommet Scientifique de la Réduction des Risques liés au tabac

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3ème Sommet Scientifique de la Réduction des Risques liés au tabac

En marge des travaux du 3ème Sommet Scientifique de la Réduction des Risques liés au tabac, organisé le 24 et 25 Octobre en ligne à cause de la pandémie du coronavirus, l’état des lieux de la stratégie de la Réduction des Risques Tabagiques , la perception de cette approche et son application dans les pays en voie de développement tels que l’Indonésie, le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines, l’Afrique du Sud, la Tunisie et l’Inde, ont été débattus lors d’une table ronde « Réduction des risques liés au tabac dans les pays à faible et moyens revenus », présidée par Nimesh G. Desai, Directeur de l’Institut du Comportement Humain et des Sciences Connexes (IHBAS), Delhi, Inde, et à laquelle Dr Fares MILI, addictologue et pneumologique a apporté sa contribution au nom de la STACCA – Société Tunisie de Tabacologie et des Comportements d’Addiction.

Tunisie, inclure la réduction des risques dans la stratégie globale de lutte contre le tabagisme

« En Tunisie, le tabagisme représente un véritable fléau avec une prévalence globale supérieure à 25% », a déclaré le Dr. Fares Mili,» Un homme sur deux et un jeune sur quatre fument, tandis que la prévalence du tabagisme auprès des femmes frôle les 20 % », a-t-il ajouté.

« Le programme national de lutte contre le tabagisme peine à atteindre ses objectifs de réduire la prévalence tabagique en Tunisie, la Société Tunisienne de Tabacologie et des Comportements d’Addiction s’efforce de proposer des recommandations visant à renforcer le programmes de lutte contre le tabagisme afin que le tabagisme soit enfin considéré et traité comme comportement d’addiction et non pas uniquement comme une simple habitude nocive. Il est évident qu’en plus des solutions (très limitées) pour le sevrage des fumeurs, la réduction des risques doit être positionnée comme un choix supplémentaire pour les fumeurs qui n’arrivent pas à arrêter de fumer », a conclu le Dr Mili, « les sociétés savantes collaborent de plus en plus avec les autorités réglementaires afin d’inclure des stratégies de réduction des risques dans l’effort global de lutte contre le tabagisme ayant pour finalité de limiter l’impact de la cigarette sur les fumeurs ».

Philippine, la réduction des risques, une politique de santé publique adoptée et reconnue

« La réduction des risques liés au tabac devrait être appliquée dans les pays à faible et moyen revenu, compte tenu de l’énorme fardeau sanitaire et économique que représente la cigarette », a déclaré le Dr Ron Christian G. Sison, responsable principal de l’Alliance pour la réduction des risques aux Philippines. « Aux Philippines, bien que près de 80 % des fumeurs déclarent qu’ils prévoient ou pensent arrêter de fumer, seuls 4 % ont réellement réussi à arrêter. Nous devons réévaluer notre stratégie de contrôle du tabagisme », a déclaré le Dr Sison. « La première étape consiste toujours à promouvoir l’arrêt définitif de la consommation du tabac mais si cela ne fonctionne pas, nous devons impérativement mettre à disposition d’autres alternatives, pour au moins réduire les dommages. Nous devons avoir un bon équilibre entre l’accès à des alternatives moins nocives pour les fumeurs adultes et la garantie que les mineurs et les non fumeurs n’accèdent pas à ces produits », a-t-il ajouté. « La loi de 2020 sur la réglementation des systèmes d’administration de nicotine non combustible met en avant une politique visant à considérer les mesures de réduction des dommages comme des stratégies de santé publique, tout en garantissant que les cigarettes non combustibles sont correctement réglementées. Sur la base de cette politique, le ministère philippin de la santé a proposé des mesures de réduction des risques, comme l’utilisation des e-cigarettes, à inclure dans sa stratégie nationale de lutte contre le tabagisme ».

Indonésie, plaider pour une meilleure règlementation

« Lorsque la cigarette électronique a été introduite pour la première fois en Indonésie, personne ne connaissait la stratégie de réduction des risques et tout le monde pensait qu’elle était aussi nocive que les produits du tabac conventionnels », a souligné le Dr Amaliya Amaliya, chirurgien dentaire indonésien. « Bien qu’au cours des trois dernières années, le gouvernement ait décidé de réglementer l’utilisation de la cigarette électronique, les autorités sanitaires continuent à soutenir l’idée selon laquelle la vape serait tout aussi nocive que la cigarette conventionnelle. Il y a encore beaucoup de travail à faire en Indonésie pour que la stratégie de réduction des risques soit reconnue et acceptée, mais il faut espérer qu’il y a aussi beaucoup de gens qui travaillent dur pour cela », a conclu le Dr Amaliyaa.

Le Costa Rica, informer, éduquer et former

« Malheureusement, l’Amérique Latine, en particulier le Costa Rica, est également à la traîne en ce qui concerne la réduction des risques liés au tabac », a déclaré le Dr Efrain Cambronero, chef du service d’oncologie chirurgicale au Costa Rica. « La réduction des dommages causés par le tabac (THR) est une mesure importante que tous les pays doivent mettre en œuvre, non seulement pour son apport pour la santé publique mais aussi pour l’impact qu’elle peut avoir sur l’économie, puisque la morbidité et la mortalité liées au tabagisme sont associées à des dépenses de santé élevées et à une perte de productivité. L’arrêt complet du tabagisme est toujours la meilleure option », a ajouté le Dr Cambronero. « Les produits THR peuvent être des alternatives efficaces pour les personnes qui ne parviennent pas à arrêter de fumer. Toutefois, l’OMS s’y oppose, principalement les e-cigarettes et les produits du tabac chauffés, une position qui ne semble pas changer de sitôt. La réduction de la consommation de tabac par la mise en œuvre de programmes complets de lutte contre le tabagisme, axés sur la prévention de l’accès des mineurs aux produits du tabac et sur l’aide aux fumeurs pour qu’ils arrêtent de fumer ou réduisent le risque pour leur santé, peut sauver des vies et profiter à la population en général. Nous devons nous rappeler que 80 % des fumeurs sont originaires de nos pays, de notre partie du monde » a mentionné le Dr Cambronero.

Malaisie, changer les perceptions et la règlementation, éduquer et  contrôler

« En Malaisie, la consommation de tabac combustible est toujours un problème important, bien que le tabagisme ait diminué ces dernières années », a déclaré le professeur de gestion hospitalière et d’économie de la santé, Sharifa Ezat Wan Puteh. « Selon les données de 2019, la prévalence des fumeurs actuels est d’environ 21,3 %, tandis que la prévalence de la consommation de cigarettes électroniques est de 5 %, et celle des produits du tabac chauffés est encore inconnue. Malheureusement, la simple mesure d’augmentation des taxes et du prix du tabac visant à réduire la consommation de la cigarette a entraîné la croissance du marché des cigarettes illégales dans le pays et n’a donc fait que remplacer un problème par un autre, une mesure placebo. Les autorités malaisiennes visent à réduire de 15 % le nombre de fumeurs d’ici 2025. », a ajouté le professeur Ezat Wan Puteh. « Pourtant, l’approche THR n’est pas encore envisagée, car on s’inquiète de l’efficacité des produits ne contenant pas de tabac et de la possibilité que les e-cigarettes puissent, d’une part, augmenter le nombre de jeunes fumeurs et, d’autre part, être utilisées par les fumeurs comme complément aux cigarettes combustibles. En outre, il n’y a pas de contrôle, de normalisation ou encore de règlementation appropriés qui auraient permis de tirer le meilleur de ces alternatives. Tous ces problèmes doivent être résolus, car les produits de réduction des risques peuvent sauver des vies, en particulier pour les gros fumeurs en Malaisie. » a souligné le professeur Ezat Wan Puteh.

Afrique du Sud, informer et instaurer un cadre légal

« Le tabagisme est considéré comme un « péché » dans certains pays et l’approche de réduction des risques est largement ignorée voire inconnue », a déclaré le Dr Kgosi Letlape, président du Conseil des professions de santé d’Afrique du Sud (HPCSA) et président du Conseil médical et dentaire de Johannesburg. « Il y a des médecins en Afrique du Sud qui conseillent leurs patients sur les risques du tabagisme et l’arrêt du tabac », a-t-il expliqué, « mais ils ne savent pas ce qu’est une e-cigarette, ils n’ont jamais entendu parler des produits du tabac chauffés, et ils ne connaissent pas les différences entre les cigarettes combustibles et les produits non combustibles délivrant de la nicotine. Par conséquent, il est absolument nécessaire et de notre plus grand devoir d’informer correctement le public et d’éduquer les professionnels de la santé sur les approches de réduction des risques afin de garantir la mise en place de réglementations fondées sur des preuves scientifiques. Nous devons néanmoins rappeler que la réduction des risques s’adresse strictement à ceux qui ne peuvent pas arrêter de fumer, et veiller à ne pas inciter les jeunes et les non-fumeurs à s’y intéresser, qu’il s’agisse de cigarettes combustibles ou de produits alternatifs du tabac. Les gens doivent comprendre que la combustion est le problème, qu’il existe des produits moins nocifs ; nous avons besoin d’un cadre législatif différent qui reconnaisse que tous les produits du tabac ne sont pas les mêmes » a conclu le Dr Letlape.

Inde, éduquer et améliorer la disponibilité des moyens de Réduction des Risques

« L’Inde est encore loin d’atteindre les objectifs déclarés de la lutte antitabac, qui sont une réduction de 15 % de la charge tabagique en 2020 et de 30 % en 2025, bien que les mesures de lutte antitabac de la CCLAT de l’OMS aient été pleinement mises en œuvre dans le pays », a déclaré le Dr Rajesh Sharan, professeur au département de biochimie de l’université de North-Eastern Hill en Inde. « La réalité montre que les efforts d’arrêt du tabac ont de mauvais résultats, car les services gouvernementaux présentent des lacunes en termes de consistance, d’efficacité, de formation et de financement. D’autre part », a-t-il ajouté, « la disponibilité des traitements de substitution de la nicotine et des produits à effets réduits est limitée dans le pays, les e-cigarettes ayant été carrément interdites en 2019. L’Inde et la Chine sont les principaux pourvoyeurs de tabac pour les pays à faible et moyen revenu et dans le monde, c’est pourquoi, il est nécessaire d’agir. Renforcer le concept de réduction des effets nocifs du tabac parmi les personnes, les prestataires de soins de santé et les décideurs politiques, améliorer la disponibilité de traitements de substitution de la nicotine et de produits à effets nocifs réduits,  peuvent être une solution pragmatique et efficace », a-t-il proposé ; « cependant, il est également urgent d’améliorer les connaissances, l’attitude et les pratiques des professionnels de la santé concernant les approches de sevrage tabagique ».

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