Banque Mondiale : Le coût de la détérioration de la qualité de l’air et des mers est estimé à plus de 3 % du PIB par an dans la région MENA

0
623
Banque Mondiale

La Banque Mondiale vient de publier un rapport intitulé « Ciels bleus, mers bleues : Pollution de l’air, pollution marine par le plastique et érosion des côtes au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ».

Ce rapport met en évidence la dégradation des actifs naturels « bleus » de la région MENA (un air pur, une mer saine et un littoral stable) et formule des recommandations pour résorber la menace pesant sur ce capital naturel.

D’après la Banque Mondiale, la pollution atmosphérique et la dégradation des mers et des littoraux au Moyen-Orient et en Afrique du Nord (MENA) engendre un coût humain et économique considérable, pouvant atteindre jusqu’à plus de 3 % du PIB dans certains pays de la région.

Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, a souligné : « La pollution atmosphérique et marine nuit à la santé et au bien-être social et économique de millions d’habitants de la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. L’amorce d’une reprise post-COVID représente un moment opportun pour changer de cap et choisir une croissance plus verte, plus bleue et plus durable, qui limitera les émissions et la dégradation de l’environnement. »

Selon le rapport, les niveaux de pollution atmosphérique des mégapoles de la région MENA figurent parmi les plus élevés au monde, et le citadin moyen respire un air où la concentration en polluants est au moins dix fois supérieure aux valeurs guides de l’OMS pour la qualité de l’air ambiant. 

Environ 270 000 décès annuels sont imputables à la pollution atmosphérique, un chiffre plus élevé que le cumul des décès dus aux accidents de la route, au diabète, au paludisme, à la tuberculose, au VIH/sida et à l’hépatite aiguë ; ces forts taux de pollution coûtent à l’habitant moyen au moins 60 jours de maladie au cours de sa vie. 

Les coûts économiques induits sont considérables : environ 141 milliards de dollars par an, soit 2 % du PIB régional.

Le niveau de pollution plastique des mers de la région est le plus élevé au monde. Avec plus de 6 kg de déchets par personne et par an, la pollution marine s’accroît et représente un coût annuel environ égal à 0,8 % du PIB régional, selon les estimations du rapport. Cette pollution provient avant tout d’une gestion inadéquate des déchets solides et d’une surconsommation de plastique, due en partie à l’absence de solutions alternatives. 

Dans les régions du Maghreb et du Machreq, près de 60 % des déchets ne bénéficient d’aucun traitement adapté et les décharges à ciel ouvert prédominent, y compris dans les pays du Golfe à revenu élevé. Le volume total des déchets produits devrait pratiquement doubler d’ici à 2050 pour atteindre 255 millions de tonnes (contre 129 millions de tonnes en 2016), ce qui viendra encore aggraver la situation.

À la pollution marine s’ajoute la menace grandissante que constitue l’érosion des côtes, dont le rythme dans la région MENA est le deuxième plus rapide au monde. 

Au Maghreb, plus particulièrement, l’érosion du littoral atteint un rythme moyen d’environ 15 cm par an, soit plus du double de la moyenne mondiale (7 cm/an). La disparition des plages de la région MENA met en péril les moyens de subsistance, notamment parmi les populations pauvres. Elle nuit à la pêche, restreint le tourisme côtier et menace les activités connexes. Le coût direct de l’érosion côtière en termes de destruction de terres et de bâtiments (et donc, sans prendre en compte la diminution des recettes touristiques et autres coûts indirects) varie de 0,2 % du PIB en Algérie à 2,8 % en Tunisie.

Cette dégradation du patrimoine bleu de la région MENA s’explique par diverses carences. Cependant, les trois enjeux décrits ci-dessus présentent un point commun : l’absence de connaissances fiables sur les sources et les secteurs responsables d’une telle détérioration. Il importe donc d’affiner les études qui déterminent les sources de pollution atmosphérique et de pollution marine par les plastiques, et de produire des travaux plus détaillés sur les dynamiques à l’œuvre dans l’érosion côtière. Des programmes de sensibilisation à ces trois enjeux sont par ailleurs tout aussi essentiels pour informer le grand public et l’encourager à exiger des changements.

Concrètement, en ce qui concerne la pollution atmosphérique, le rapport préconise de chiffrer son coût et d’en faire payer le prix, de réformer les subventions aux carburants fossiles et de créer des marchés pour les émissions polluantes, tout en mettant à disposition des modes de transport plus propres. L’application effective de normes d’émission plus strictes pour le secteur industriel est cruciale, tout comme l’amélioration de la gestion des déchets solides, afin de réduire le brûlage à l’air libre des déchets agricoles et municipaux.

En matière de lutte contre la pollution marine par les plastiques, le rapport recommande de renforcer la gestion des déchets solides, de créer des structures de marché fiables pour le recyclage et de collaborer plus étroitement avec le secteur privé pour remplacer les plastiques, tout en diminuant les subventions aux combustibles fossiles qui réduisent artificiellement le prix des plastiques par rapport à des solutions alternatives.

Pour lutter contre le recul des littoraux, les États doivent mieux maîtriser les facteurs d’érosion et définir les zones sensibles, tout en lançant des programmes de gestion intégrée des zones côtières et en adoptant des solutions fondées sur la nature qui protègent les littoraux (comme la végétalisation des dunes ou l’implantation de récifs artificiels). 

Le rapport préconise d’encadrer les pratiques intensifiant l’érosion côtière, notamment par l’arrêt effectif de toute extraction illégale de sable et la modernisation des barrages qui ne laissent pas passer les sédiments fluviaux vers les côtes.

« Dans la région MENA, la bonne santé du patrimoine bleu revêt une importance capitale pour le commerce, le tourisme et l’industrie. Il reste encore beaucoup à faire, mais de nombreux pays reconnaissent aujourd’hui l’urgence de préserver ce capital naturel vital au moyen de réformes, de règlements, de partenariats et d’investissements », conclut Ayat Soliman, directrice Développement durable pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à la Banque mondiale.

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here