ARFORGHE : Des facettes multiples du dialogue sociale

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ARFORGHE

En sa qualité d’association fédérant les DRHs convaincus de l’importance de l’instauration d’un climat social serein au sein de l’entreprise mais aussi de la sensibilisation de toutes les parties concernées pour un véritable dialogue social, l’ARFORGHE en partenariat soutenu avec la KAS a décentralisé la dernière session du 5ème cycle du Dialogue social à Sfax les 14 et 15 Juillet 2020 parallèlement à d’autres activités. Ce cycle qui s’inscrit dans le projet « Alliance pour la croissance économique et pour l’emploi/ACE dialogue social » mandaté par le BMZ et mis en œuvre par la GIZ a mobilisé une communauté RH active et a permis un déroulement très intéressant de la session.

A cet effet, la thématique adoptée a traité de l’impact de la crise sur les relations du travail et la gestion des nouvelles formes d’Emploi et a fait l’objet d’un débat très riche et fructueux.

Dans ce sens et afin d’établir un bilan en matière de dialogue social, il serait intéressant de lire les articles développés par les formateurs de la session

Le premier article intitulé pour « Un plaidoyer du code du travail tunisien » fera état des commentaires concernant le bilan du Dialogue social avant et après 2011 pour arriver a mettre en exergue les points positifs et négatifs dans le code du travail et pour revisiter les clauses.

Mansour Hellal

Pour un plaidoyer du code du travail tunisien

Il y a lieu de retenir les points suivants pour construire un bilan en matière de Dialogue Social.

  • Points positifs :
  • L’effort de codification de la législation du travail héritée du protectorat français et inspirée  des conventions internationales du travail est offerte aux travailleurs tunisiens  à l’occasion de la fête du travail  du 1er Mai 1966 soit dix ans après l’indépendance.
  • Le corpus du code du travail tunisien couvre l’ensemble des relations de travail avec un souci protecteur : statut du salarié, protection des catégories vulnérables, hygiène et santé en milieu de travail, réglementation de la question salariale, le contrôle administratif (via l’inspection du travail) et le contrôle judiciaire (via les prud’hommes), l’organisation des syndicats et la représentation du personnel…
  • La question de l’emploi semble être étrangère au code du travail puisqu’il est limité à l’interdiction des bureaux privés de placement et à l’organisation des procédures de recrutement.
  • Révision du code du travail en 1994 et en 1996 selon une démarche consensuelle pour l’adapter au nouveau contexte économique et qui a touché plus de 100 articles : la Commission Consultative d’Entreprise, le travail à temps partiel, la réglementation du CDD, la création des tribunaux d’arbitrage, la santé et la sécurité du travail …
  • Assistance des entreprises pour l’application de ce code avec rarement recours aux PV de sanctions pénales vu le caractère dérisoire des amendes aux infractions du travail
  • Points négatifs :
  • Promulgation des textes relatifs à l’emploi en dehors du code du travail : vers un nouveau code de l’emploi dont l’objectif est d’inciter l’entreprise à recruter les chômeurs  issus du système éducatif, de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur.
  • Malgré les réformes du code du travail,  son image chez le patronat demeure rigide et non flexible surtout au niveau des PME.
  • Confusion entre déréglementation et flexibilité du travail surtout au niveau du Patronat.
  • Le poids dominant de l’Etat dans tout processus de concertation et de négociation collective.
  • Le poids dominant de l’UGTT dans le secteur public pour des considérations historiques.

Quant au bilan du dialogue social avant et après 2011, ils se présent de la manière suivante :

  • Avant 2011

A partir de 1990, passage d’une négociation de rattrapage à une négociation triennale d’anticipation : 8 rounds de négociation sociale portant sur la révision des conventions collectives et des statuts du personnel

Toujours est-il que la question centrale de ces négociations porte sur les salaires et leurs accessoires, jamais la question de l’emploi n’a été discutée dans un texte conventionnel ou statutaire

Le couple négociation-conflit semble être inséparable durant toute cette période : l’obligation de paix sociale reste compatible avec le recours aux grèves dont la quasi-totalité est illégale

Le rôle de l’ETAT  reste structurant dans ces processus de dialogue social : malgré l’apprentissage des partenaires sociaux via la répétition de ces rounds de concertation, les conflits les plus importants opposent toujours l’Etat employeur à l’UGTT.

Cette négociation reste centralisée et cyclique en l’absence d’une négociation d’entreprise et continue comme si le modèle centralisateur de l’ETAT semble être partagé par les syndicats au sommet : à la bureaucratie administrative de l’Etat s’ajoute une bureaucratie syndicale.

Dans l’ensemble le bilan de cette phase historique reste mitigé : ce processus de négociation répétitif n’a pas permis la démocratisation du système des relations professionnelles malgré l’augmentation continue des salaires qui demeure incontournable dans un système de libéralisation des prix et d’ouverture des frontières.

Après 2011 :

  • La question sociale via la multiplication des mouvements de contestation porte essentiellement sur : la pauvreté, le chômage et le déséquilibre régional.
  • Or paradoxalement, au lieu de s’occuper de ces dossiers critiques, l’ETAT a fini par céder aux revendications multiples dans une ambiance de surenchères sociales et dans un environnement d’insécurité généralisée.
  • La fin de la sous-traitance dans le secteur public et l’intégration de tout le personnel  dans l’emploi décent semble être une victoire pour l’UGTT qui cache une bombe à retardement vu son impact négatif : la pratique de la sous-traitance du personnel constitue un dossier noir, mais l’Etat aurait gagné en réglementant le statut juridique de ce personnel.
  • De même, face à l’aggravation du chômage l’Etat donne l’exemple en agissant sur sa capacité de recrutement mais avec des critères sociaux : date d’obtention du diplôme, taille de la famille et niveau de pauvreté.
  • L’augmentation des salaires pour apaiser la tension sociale suite au pluralisme syndical et la surenchère en matière de revendications.
  • Le déficit des caisses de sécurité sociale qui s’accentue de plus en plus oblige l’ETAT à intervenir pour reporter la crise financière.
  • L’idée de contrat social signé entre l’ETAT  et ses deux partenaires sociaux est riche d’enseignements mais difficile à réaliser puisqu’il porte sur une série de réformes de fond touchant tous les secteurs. A la commission nationale de dialogue social qui n’a jamais fonctionné se substitue un conseil national de dialogue social composé d’une manière tripartite.
  • La question du travail décent semble être incompatible avec les nouvelles formes d’emploi ( travail à temps partiel, le travail temporaire, le travail en sous-traitance et d’autres formes d’emploi non réglementées par le droit tunisien telles que le télétravail, le travail à distance et le travail à domicile…)
  • En conclusion la pratique du droit du travail (le code du travail et le droit conventionnel) permet quelques formes de flexibilité d’emploi mais c’est le contrôle administratif et l’attitude des syndicats qui renforcent son caractère rigide et l’accuse de source de blocage dans le fonctionnement du marché du travail. Encore plus, la pandémie  causée par le Covid 19 pourrait constituer une opportunité de changement de notre législation sociale pour l’adapter au nouveau contexte économique qui fait émerger de nouvelles formes d’emploi et qui restent mal encadrées juridiquement sinon ignorées totalement.
Zeyneb Attya

Quelques aspects de la typologie du dialogue social 

Par cette période anxiogène et se caractérisant par l’incertitude, la peur et l’angoisse refoulées il est vital et essentiel de renforcer le dialogue social dans les entreprises et de conforter la posture des DRHs dans leur activité d’animation et de coordination des relations avec les partenaires sociaux.

En fait s’il ya moyen d’apaiser les éventuelles tensions qui peuvent émerger entre la DG et les partenaires sociaux et arriver à rassurer les collaborateurs cela pourrait aboutir dans de bonnes conditions à un  dialogue social constructif. Cet élément clé qui se trouve au cœur de l’expertise des relations humaines a vu ses atouts et avantages s’accentuer avec la pandémie et la crise du Covid 19.

Plus précisément le rôle fondamental de la communication régulière et continue avec les instances représentatives du personnel et les salariés, le feedback soutenu des collaborateurs et la mesure du climat social prédominant dans l’entreprise  ont été mis en lumière et ont pris énormément d’ampleur.

Par ailleurs la mission de veille sur les conditions de travail et l’application des règles figurant dans le code du travail ont été engagées sérieusement du fait de l’implication de toutes les composantes  concernées.

Assurément et dans  le même sens la crise rappelle aux organisations l’importance de protéger les salariés et leur environnement, anticiper et gérer les problèmes de santé et les absences qui peuvent s’ensuivre mais aussi dans un cadre plus global l’obligation d’initier et de renforcer leur politique RSE.

Il est pertinent de rappeler que le fait de créer et nouer des liens avec l’ensemble des employés, communiquer avec eux, mettre sur pied de nouvelles solidarités, c’est le meilleur moyen de les valoriser, d’augmenter leur taux d’engagement, de les rassurer et les apaiser et leur donner du sens quitte à ce qu’ils dépassent leurs limites et défient leur créativité.

Condition inéluctable du savoir vivre ensemble, levier de performance et d’utilité pour l’entreprise, le dialogue social peut soutenir en cette période la nouvelle organisation du temps de travail et les nouveaux modes de travail comme la gestion à distance et le télétravail 

Il semble nécessaire de prendre en compte ces enjeux dans la mise au point d’un dispositif adapté de télétravail au risque de faire face à des burn out multipliés.

De même dans cette période le dialogue social a mis en lumière la revalorisation de nouveaux métiers, la reconversion des employés et la reconnaissance à accorder à tous ceux qui prennent des initiatives salvatrices.

Aujourd’hui il est indispensable de programmer un nouveau logiciel de pensée, de management et de production pour accompagner l’émergence d’un nouvel ordre économique et le changement de paradigme.

Comme l’a dit Antoine de St Exupéry : l’avenir tu n’as pas à le prévoir mais à le permettre.

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