Retour du protectionnisme américain : Comment la Tunisie doit réagir ?

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Mohsen Hassan, économiste et ancien ministre du Commerce analyse les répercussions de la récente décision de Donald Trump d’augmenter les droits de douane sur les importations provenant de plusieurs pays. En cause : une hausse des tarifs douaniers pouvant atteindre 28 %, selon les mesures annoncées par le président américain.

Dans une interview accordée à l’agence TAP, l’expert estime que si les effets directs sur la Tunisie resteront limités, les conséquences indirectes de cette orientation protectionniste seront, quant à elles, à double tranchant.

L’économie tunisienne ne devrait pas être fortement touchée dans l’immédiat, rassure Mohsen Hassan, expliquant que les échanges commerciaux entre Tunis et Washington restent modestes comparés à ceux avec d’autres partenaires économiques.

Néanmoins, les produits phares tunisiens tels que les dattes, l’huile d’olive et le textile risquent de voir leur compétitivité fléchir aux États-Unis.

Pour l’huile d’olive, dont le marché américain représente à lui seul 17,2 % des exportations tunisiennes sur la période allant de novembre 2024 à janvier 2025, cette augmentation tarifaire réduira l’attractivité prix de nos produits aux États-Unis, alerte l’économiste.

Malgré tout, l’impact sur la balance commerciale demeure marginal. En 2024, la Tunisie affichait un excédent vis-à-vis des États-Unis de 215,8 millions de dinars. À la fin février 2025, les exportations tunisiennes vers le marché américain s’élevaient à 360 millions de dinars, contre 480 millions pour les importations.

Des bénéfices indirects à ne pas négliger

Si la Tunisie doit faire face à des vents contraires, certains effets collatéraux pourraient néanmoins lui être favorables. La récente baisse du prix du baril de Brent, passé de 80 dollars en janvier à 70 dollars actuellement, constitue un allègement pour les finances publiques. Rappelons que la Loi de Finances 2025 repose sur une hypothèse de 74 dollars le baril. La réduction de la facture énergétique nationale est donc en bonne voie.

Par ailleurs, la dépréciation du dollar face à l’euro – et, par ricochet, au dinar – pourrait permettre à la Tunisie de souffler quelque peu. Cette tendance baissière du billet vert contribuera à alléger le coût des importations de matières premières, de produits de base et d’énergie, détaille Hassan. Ce mouvement du taux de change serait également de nature à améliorer les avoirs en devises du pays.

Des retombées européennes à surveiller

Mais l’expert avertit : la guerre commerciale lancée par Washington pourrait engendrer un ralentissement économique global, avec une répercussion particulièrement sensible en Europe. Une récession couplée à une montée de l’inflation sur le Vieux Continent ferait chuter la demande pour les produits tunisiens, aggravant le déficit commercial et fragilisant les entreprises locales, analyse Mohsen Hassan.

Dans ce contexte, l’économiste recommande une refonte des politiques commerciales actuelles. Il suggère notamment de revoir l’accord de libre-échange avec l’Union européenne, afin de mieux protéger certains secteurs vulnérables et de contenir l’invasion du marché local par des biens de consommation non prioritaires.

Autre levier proposé, la réévaluation des tarifs douaniers sur les produits dits superflus et réexaminer les partenariats commerciaux jugés déséquilibrés.

La Tunisie ne peut plus se permettre de rester dépendante de relations qui la désavantagent, tranche Hassan.

Enfin, pour mieux tirer parti des recompositions à l’œuvre dans le commerce mondial, l’économiste prône la diversification des débouchés, notamment vers l’Amérique latine, l’Afrique et l’Asie. Il appelle aussi à renforcer la coopération avec l’Europe, tout en incitant à un véritable sursaut dans la diplomatie économique.

L’Afrique et le Moyen-Orient seront probablement les nouvelles cibles commerciales de puissances comme la Chine ou l’Union européenne, face au repli américain, conclut Mohsen Hassan.

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