Tunisie 4.0 : Une série d’actions mettant en lumière l’importance de la transformation digitale en Tunisie

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Le progrès technologique incessant à travers le monde a redéfini les dynamiques entre les grandes puissances économiques et transformé en profondeur les modes de travail des entreprises, des institutions éducatives et des gouvernements.

Dans ce contexte, il devient impératif pour les États de disposer d’une population maîtrisant les outils numériques et de développer des économies capables de s’adapter aux évolutions constantes du secteur digital. La technologie a révolutionné la société, non seulement à l’échelle macroéconomique, en influençant les institutions étatiques, mais aussi au niveau microéconomique. Le citoyen, désormais en mesure de gérer ses affaires en ligne, voit s’ouvrir à lui de nouvelles opportunités professionnelles, ce qui a conduit à la création de nouveaux métiers.

Tunisie 4.0 est une initiative lancée par la Fondation Konrad Adenauer en Tunisie. Son objectif est d’explorer, analyser et identifier les forces et les défis liés à la transformation digitale de l’écosystème économique tunisien. Cette initiative s’est déroulée à travers trois événements axés sur la transformation digitale des entreprises tunisiennes et le développement de la fintech en Tunisie et le rôle des avancées technologiques dans l’évolution du marché du travail.

Les résultats de ces actions ont permis de mettre en avant plusieurs axes stratégiques :Le niveau d’intégration des technologies dans l’économie tunisienne, le rôle des startups et des entreprises dans l’introduction de nouvelles technologies et l’implication des entreprises dans l’accompagnement des jeunes entrepreneurs pour favoriser l’adoption des technologies.

1- Transformation digitale de l’économie tunisienne

L’objectif de cette initiative était d’explorer l’état actuel de la transformation digitale au sein des entreprises et startups tunisiennes. À travers les interventions de Monsieur Nidhal Battikh, cofondateur de Medianet, de l’équipe de la startup Alder Green Solution ainsi que de Monsieur Omar Hedhli Chargé de développement Tech et Services à Business France, un état des lieux précis a été dressé.

Ce qui ressort clairement, c’est que les entreprises et startups tunisiennes jouent un rôle crucial dans l’introduction des nouvelles technologies au sein de l’écosystème économique et même dans les services de l’État. Toutefois, malgré ce rôle essentiel, l’absence d’une approche GovTech et d’une stratégie nationale d’innovation a été soulignée. Ce manque d’adaptabilité de l’État constitue un frein pour les investisseurs. Les intervenants ont insisté sur l’importance d’accélérer la transformation digitale de l’administration tunisienne afin de renforcer la synergie avec les entreprises.

À titre d’exemple, le Maroc, qui, grâce à sa stratégie nationale d’innovation, a réussi à créer un environnement favorable pour les investisseurs, qu’ils soient locaux ou étrangers.

Un autre défi majeur à la transformation digitale en Tunisie réside dans la résistance de la population elle-même. Un exemple concret de cette réticence se manifeste chez les agriculteurs tunisiens. La digital illiteracy et le manque d’information ont alimenté cette résistance, engendrant une méfiance vis-à-vis des technologies. Ce phénomène constitue malheureusement un obstacle important.

Le rythme d’avancement technologique s’est considérablement accéléré, et le refus d’intégrer les nouvelles technologies, en particulier l’Intelligence Artificielle (IA), risque d’élargir l’écart de développement entre la Tunisie et le reste du monde. Cela est d’autant plus préoccupant que de nombreuses institutions et investisseurs internationaux adoptent des solutions technologiques basées sur l’IA et d’autres innovations de pointe. Par conséquent, il est crucial pour la Tunisie d’intégrer ces technologies afin de collaborer efficacement avec ces acteurs internationaux.

Les entreprises, startups et incubateurs jouent un rôle déterminant dans le développement de l’économie tunisienne, en contribuant à des secteurs clés tels que l’agriculture, l’énergie et l’industrie. Cependant, pour parvenir à une transformation digitale complète et durable, la Tunisie doit pouvoir s’appuyer sur des leaders technologiques capables de piloter ce processus en étroite coordination avec l’État.

2- Fintech

La deuxième action de la série Tunisie 4.0 est axée sur l’implémentation de la fintech en Tunisie. L’objectif est d’évaluer la possibilité d’intégrer la fintech dans le modèle économique tunisien. Cette technologie présente un potentiel considérable pour améliorer le secteur financier à travers des systèmes plus automatisés et simplifiés. La Tunisie a déjà entamé des démarches en ce sens, en collaborant avec l’Union européenne dans le cadre du projet MedSMEs, explorant ainsi son potentiel en tant que terrain d’expérimentation (sandbox).

Monsieur Anis Wahabi, expert en finance, Dr. Amira Kaddour, enseignante universitaire et membre du conseil d’administration de l’Africa Fintech Network, ainsi que Monsieur Wassel Berrayana, fondateur et CEO de Proxym Group, ont mis en lumière le potentiel de la Tunisie dans le domaine de la fintech ainsi que les défis à relever pour se hisser au même niveau que d’autres pays.

Il est essentiel de noter que l’efficacité de l’implémentation de la fintech passe par une meilleure intégration des Tunisiens dans le secteur bancaire. Actuellement, seulement 30 % des Tunisiens possèdent un compte bancaire, et parmi eux, seuls 30 % disposent d’une carte bancaire. Ce faible taux de bancarisation limite le potentiel de transformation digitale du secteur financier. À l’inverse, des pays comme le Maroc et l’Égypte ont adopté des approches plus ouvertes, réussissant ainsi à attirer des marchés européens et asiatiques grâce à leurs investissements dans l’open banking, le transfert de savoir-faire et l’open finance.

Il est impératif que la Tunisie développe rapidement un cadre réglementaire et juridique adapté au secteur bancaire, tout en favorisant l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les institutions bancaires, notamment la Banque Centrale. Cela permettrait non

seulement de simplifier les procédures financières pour les entreprises tunisiennes, mais aussi de lutter plus efficacement contre l’économie informelle grâce à la digitalisation des finances et l’adoption d’une stratégie de de-cashing.

La Tunisie dispose déjà d’une infrastructure solide pour digitaliser son secteur financier et réduire l’écart technologique avec d’autres pays de la région, ce qui pourrait considérablement améliorer les conditions des entreprises en matière de transactions. L’inaction pourrait cependant s’avérer préjudiciable, en particulier par rapport au marché africain émergant qui représente un potentiel de plus d’un milliard de consommateurs. Il est donc essentiel d’adopter une politique de gestion des risques afin d’accumuler de l’expérience en matière de fintech.

Toutefois, le facteur clé pour faire progresser la fintech en Tunisie reste à la volonté politique. C’est elle qui agira comme catalyseur pour la mise en œuvre d’une stratégie nationale de transformation digitale de l’économie, en particulier dans le domaine financier.

3. Le rôle de la transformation digitale dans l’évolution du marché du travail

La transformation digitale a entraîné une évolution profonde du marché du travail à l’échelle mondiale. Elle a modifié les modes de travail ainsi que les compétences recherchées. La Tunisie n’échappe pas à cette dynamique. La crise de la COVID-19 a accéléré cette transformation, favorisant l’émergence d’un modèle hybride de travail. Plus important encore, la crise a révélé le degré de dépendance aux technologies, soulignant ainsi la nécessité d’adapter le marché du travail aux nouvelles exigences.

La troisième et dernière session de la série Tunisie 4.0 a porté sur l’évolution du marché du travail à l’ère du progrès technologique. Les discussions ont abordé la transformation des espaces de travail, les changements dans le secteur éducatif, l’émergence de nouveaux métiers liés aux avancées technologiques, et le rôle de l’État dans l’accompagnement de ces mutations. Ces thématiques ont été analysées par Monsieur Mohamed Rouached, Expert Advisor en organisation d’emploi et stratégies de ressources humaines, Madame Faten Benaissa, Directrice de Digital College Campus Tunisie, Clifford Okoro, content Creator et jeune politicien allemand, Khoubaib Jebabli : influenceur tunisien, Madame Salwa Abdelkhalek Directrice Général de TICDCE et monsieur Bechir Zouali, Membre de l’observatoire d’inclusion financière à la Banque central.

Les échanges ont permis de mettre en lumière des pistes essentielles pour développer le marché du travail tunisien. Le premier point clé est la réforme de la formation des jeunes étudiants. Il est nécessaire d’introduire de nouvelles spécialités dans les universités tunisiennes, telles que l’IA, la cybersécurité, l’analyse de données, tout en renforçant l’expérience professionnelle pour développer des compétences pratiques.

Par ailleurs, l’environnement de travail évolue également pour s’adapter aux avancées technologiques. Les entreprises doivent adopter de nouvelles solutions afin de gérer le volume croissant de données, nécessitant ainsi l’intégration de systèmes basés sur l’IA. La formation continue des employés devient indispensable pour leur permettre de maîtriser ces nouvelles technologies et s’aligner sur les tendances émergentes. Il est crucial que les

entreprises, tant privées que publiques, adaptent leurs modes opératoires afin de permettre à la Tunisie de suivre le rythme des évolutions internationales.

La transformation digitale a également donné naissance à de nouveaux métiers. En s’inspirant de l’expérience allemande, où la consommation de produits issus des industries créatives est en forte hausse, il devient évident que ce secteur joue un rôle économique majeur. L’Allemagne a mis à jour son cadre réglementaire et financier afin de soutenir les créateurs de contenu, qui collaborent désormais avec l’industrie, le secteur culturel, ainsi qu’avec l’État et les partis politiques. Ces créateurs représentent aujourd’hui des plateformes alternatives influentes, particulièrement auprès des jeunes.

En Tunisie, le secteur de la création de contenu fait face à des défis réglementaires et financiers, freinant son développement. Des réformes sont nécessaires pour favoriser la flexibilité financière et faciliter l’accès à des opportunités internationales. Comme dans d’autres secteurs, la création de contenu a prospéré et son rôle dans le soutien à l’économie tunisienne ne doit pas être sous-estimé.

L’État, par le biais de la Banque Centrale, pilote déjà des initiatives à destination des jeunes entrepreneurs, y compris ceux du secteur créatif. Ces actions portent sur l’éducation financière, l’intégration dans le système bancaire et l’actualisation des procédures de création d’entreprise. Une révision des conditions d’obtention de patente est également en cours afin de mieux répondre aux besoins de cette nouvelle génération d’entrepreneurs.

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