30 ans de relations économiques entre la Tunisie et l’Afrique du Sud : Bilan diplomatique et perspectives

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Pouvez-vous présenter globalement les relations économiques entre la Tunisie et l’Afrique ?

L’Afrique du Sud et la Tunisie célèbrent cette année 30 ans de relations diplomatiques. Les relations entre les deux pays, qui remontent à 1994, demeurent largement en deçà du potentiel mutuel qu’ils pourraient exploiter. Il existe de bonnes perspectives de coopération et de partenariat économiques entre les entreprises sud-africaines et les entreprises tunisiennes. Les exportations tunisiennes vers le marché de l’Afrique du Sud dépassent les 1,5 milliards, soit 3% du total des exportations tunisiennes vers les pays du monde.

Vous avez pris vos fonctions il y a maintenant 4 ans, quel bilan dressez-vous de votre mission diplomatique en Tunisie ?

En effet, ma mission a débuté en février 2020 et prendra fin ce mois-ci. Durant ces quatre années, j’ai pu rencontrer les ministres de l’économie, du commerce et de l’industrie. Nous avons beaucoup échangé avec le gouvernement, les acteurs et opérateurs économiques et surtout tissé des liens forts qui perdureront au fil des prochaines années. Cette mission m’a permis de sillonner toutes les régions du pays en profondeur, de Bizerte, Sousse, Gabès, Médenine ou encore Sfax, Monastir, Kairouan. Cela a été l’occasion de visiter de nombreuses grandes entreprises tunisiennes, dont la Rose Blanche. J’ai également pu formuler des recommandations à l’Afrique du Sud afin d’accroître les échanges commerciaux et surtout présenter les opportunités commerciales et domaines de partenariat.

Quels sont les défis économiques communs auxquels l’Afrique du Sud et la Tunisie font face, et comment les deux pays peuvent-ils coopérer pour les surmonter ?

La particularité est que chacun se positionne à une extrémité de l’Afrique. Avec la Tunisie tout au nord et l’Afrique du Sud, bien au Sud, nous sommes victimes de cette position. Cela pose notamment problème étant donné la distance et l’absence d’une ligne directe entre les deux pays. Pour aller en Afrique du Sud, les Tunisiens doivent faire escale au Qatar ou en Turquie, ce qui est contraignant, notamment d’un point de vue financier et logistique. Et cela a fait souffrir fait les deux pays. De plus, il existe quelques barrières douanières et commerciales, ce qui est dommage vu toutes les autres opportunités, surtout que les Tunisiens sont dispensés de visa pour se rendre en Afrique du Sud.

Quelles sont les initiatives qui ont permis de renforcer les liens économiques avec la Tunisie et favoriser les échanges bilatéraux ?

Nous avons élaboré un programme entre la mission et le ministère des Affaires étrangères comprenant une série d’activités et en 2023, nous avons signé 5 protocoles d’accord avec 3 gouvernorats. Nous avons établi des partenariats avec le gouvernorat de Gabès, Médenine et Sousse. Les domaines de coopération s’étendent sur divers secteurs clés dont l’agriculture, l’économie bleue, l’innovation, la science, la technologie et la culture, l’éducation, la formation professionnelle, le tourisme, les investissements et les échanges commerciaux. L’objectif est d’augmenter les échanges commerciaux entre les deux pays grâce aux hommes d’affaires. Nous avons reçu une délégation sud-africaine, composée de 30 entrepreneurs Sud-Africains qui ont rencontré 30 entrepreneurs Tunisiens. Par ailleurs, nous avons accompagné VUNANI-Anatrica, une entreprise sud-africaine et turque, pour son expansion en Tunisie. L’entreprise a débuté ses opérations dans le pays et a ouverts ses bureaux en 2022. Il s’agit d’un groupe de services financiers diversifié qui fonctionne à partir d’une plateforme opérationnelle solide. Nous collaborons étroitement avec de nombreux organismes, notamment la TABC. Avec Anis Jaziri, nous avons la même vision, qui est de cibler et mettre en valeur le continent africain et ses atouts. Cette vision a abouti à de nombreux projets, grâce à l’accompagnement du TABC qui a su créer un espace d’échanges, de communication et de brassage culturel. Par ailleurs, nous tirons également profit de l’AFCFTA.

Comment l’Afrique du Sud envisage de renforcer les liens économiques avec la Tunisie et favoriser les échanges bilatéraux ?

La Tunisie et l’Afrique du Sud font toutes les deux parties du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) et de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf). Nous comptons pleinement tirer profit de ces deux organisations en plein essor pour booster les échanges. Par ailleurs, nous sommes en train d’explorer les opportunités d’expansion pour une entreprise tunisienne qui compte s’implanter en Afrique du Sud. Nous l’accompagnons, notamment pour identifier une région où se situer. Par ailleurs, je me suis également entretenu avec l’ancien ministre du Transport, Rabii Al Majidi pour discuter d’une ouverture d’une ligne aérienne directe entre les deux pays et nous avons recommandé un partenariat entre la South African Airways et Tunisair. Nous avons également être à la disposition de toute agence souhaitant organiser un voyage de groupe en partenariat avec la FTAV et ses adhérents.

Nous voyons qu’à travers votre discours, la diplomatie sud-africaine a une vision continentale très optimistes, présentant de nombreux atouts inexploités. Néanmoins, nous sommes aujourd’hui témoins de nombreux conflits, notamment d’une montée des ingérences étrangères. Comment ces facteurs peuvent affecter l’économie continentale ?

Le continent africain subit jusqu’à ce jour les conséquences coloniales. Nous constatons cela, à travers les barrières territoriales, un découpage effectué par les puissances coloniales, des barrières économiques, notamment d’ordre douanier. Toutes ces barrières font que l’Afrique n’est pas si unie et ses pays ne puissent pas coopérer de manière sereine et gagnante pour tous. Nous comptons sur nos terres les plus grandes entreprises étrangères, nous sommes également une source de ressources minéraux importantes. C’est pour cela, qu’il est aujourd’hui, plus que jamais, primordial d’avoir une Union Africaine forte et unie, qui travaille ensemble, en Afrique et pour l’Afrique.

Pouvez-vous détailler les actions spécifiques entreprises par l’Afrique du Sud en collaboration avec la communauté internationale pour promouvoir une paix durable et mettre fin aux violences et à l’occupation illégale des terres palestiniennes ?

Ce qui se passe actuellement en Palestine, et ce depuis, 1948, nous l’avons vu aux Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou encore en Afrique, sous le titre de « Terra nullius ». L’Afrique du Sud est très impliquée dans la cause palestinienne, associée à la lutte contre l’apartheid et nous sommes unis par le même combat. C’est un des multiples points communs avec la Tunisie, par ailleurs, nous avons les mêmes principes et convictions.

Mais pour la Palestine, c’est inimaginable que nous restons silencieux face à ce génocide, ce nettoyage ethnique. Il est inacceptable que la mort de ces victimes, des enfants, des civils, reste impunie. Dès le 8 octobre 2023, lendemain de l’escalade brutale, le gouvernement sud-africain a appelé à une cessation immédiate des violences et de

l’occupation illégale des terres palestiniennes. Depuis, nous poursuivons notre travail avec la communauté internationale afin de garantir une paix durable. Dans ce contexte, l’Afrique du Sud a saisi en urgence la plus haute juridiction des Nations unies pour qu’elle sanctionne les actions génocidaires de l’occupant, qui doit suspendre immédiatement ses opérations militaires. Nous avons adressé une requête de 84 pages adressée à la Cour internationale de justice (CIJ) qui siège à La Haye.

Nous sommes humains. Ainsi, nous défendons cette cause avec une grande objectivité, en toute âme et conscience. Nous sommes objectifs parce que nous ne sommes pas un pays arabe, Nous ne faisons pas partie de la région du Moyen-Orient et encore moins un pays musulman.

Lorsqu’il s’agit de droits de l’homme, lorsqu’il s’agit de dignité humaine, nous resterons fidèles à ce que nous défendons. Nous ésperons et croyons que la Palestine sera libre.

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