Mohamed Damak : «Afin que la Tunisie soit un pays attractif pour l’étudiant africain»

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Interview de Monsieur Mohamed Damak, Président du Groupe «TIME», Président de la Fédération Tunisienne des Universités Privées et Président de la Chambre Economique Tuniso-Européenne.

  1. Comment voyez-vous la situation du secteur de l’enseignement supérieur privé en Tunisie ?

Tout d’abord, je tiens à préciser en ma qualité de Président de la Fédération tunisienne de l’Enseignement Privé, que nous avons de bons rapports et une relation de confiance avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique depuis la nomination du nouveau ministre.

Pour répondre à votre question je dirai que se positionner stratégiquement à l’International nécessiterait une réforme profonde, harmonisant le cadre de lois du secteur et une fiscalité simple et appropriée, permettant ainsi un rayonnement régional, de l’Enseignement supérieur tunisien, dans le moyen terme et à l’international, à long terme, renforçant sa compétitivité par rapport à une demande croissante en provenance des pays arabo africains francophones, voir même des pays du Moyen-Orient. A mon avis, il faut tout d’abord identifier clairement le partage des rôles entre les deux secteurs privé et public sachant que le secteur de l’Enseignement Supérieur Privé ne peut en aucun cas remplacer le public. Le privé ne serait que complémentaire. Ensuite, diversifier le choix multidisciplinaire des diplômes à dispenser, compatible avec la réalisation de l’employabilité des jeunes diplômés universitaires.

Dans la mouvance mondialisée actuelle et future, il n’y aura plus de place aux frontières interdisciplinaires (formation d’ingénieurs séparée de celle des gestionnaires) notamment dans les domaines respectifs de la haute technologie, des Sciences de l’Information et de la communication et des Sciences de Gestion (les besoins des compétences transversales sont de plus en plus pressants) et établir enfin une relation de confiance entre l’Autorité de tutelle et les Etablissements d’Enseignement Supérieur Privé, afin d’éviter aux derniers de sentir la marginalisation de leur secteur d’appartenance.

2 Qu’est-ce vous préconisez pour se positionner à l’international ? 

Je pense que nous avons l’obligation d’être soumis aux normes pédagogiques internationales, secteurs privé et public confondus ; moyennant l’opérationnalisation du système d’accréditation. L’autorité de tutelle garderait la même distance vis-à-vis des établissements publics et privés, en contrôlant les indicateurs de la qualité clés : taux de pénétrations des diplômés sur le marché de l’emploi (l’employabilité), le taux d’encadrement des enseignants, les équipements pédagogiques et ce, par la mise en place d’une politique de Contrat/Programme. En plus, l’autorité de tutelle se doit de réviser les textes de loi relatifs au traitement des conditions d’équivalences, freinant l’implémentation d’offres de formations étrangères dans le cadre de partenariat de double diplômation.

Les finalités ultimes recherchées seraient toujours l’amélioration continue de notre qualité pédagogique et l’excellence de nos compétences tunisiennes.

3 Quelle est votre vision pour une refonte du système de l’enseignement supérieur ?

Par rapport à un horizon de visibilité de trois à cinq ans, contribuer à une réforme profonde de notre système d’enseignement supérieur et de la recherche scientifique appliquée, en répondant aux attentes réelles du monde des entreprises et en accélérant les réformes à opérer de notre système éducatif dans sa globalité. Tout d’abord, jouer un rôle complémentaire avec le secteur public en optimisant l’allocation de ses ressources budgétaires en matière d’enseignement et en renforçant le statut des chercheurs dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé. Deuxièment, élaborer un système d’évaluation des compétences, reposant sur trois types de Référentiel (Métiers, Compétences, Formation) et ce, en établissant une double correspondance entre un métier et trois catégories de compétences (organisationnelles, techniques et comportementales), d’une part et ces trois catégories de compétences et les modules d’enseignement respectifs des plans d’étude ou des programmes de formation, d’autre part.

4 Quels sont les principaux axes ?

Premièrement, positionner ce système d’évaluation dans le cadre d’un dispositif d’accréditation et de qualité pédagogique et scientifique. Deuxièment, instaurer un système d’habilitation, sous tutelle de notre ministère, englobant des possibilités de création des diplômes nationaux et internationaux et enfin, intégrer le fonctionnement et l’organisation du secteur privé dans un système unique d’Enseignement et de Recherche Internationalisé en instituant une séparation claire entre, respectivement, la structure d’habilitation et celle de l’accréditation.

5 Comment la Tunisie pourra-t-elle devenir une plateforme universitaire et jouer un rôle de pont entre l’Afrique et l’Europe, sachant qu’en plus de vos responsabilités universitaires, vous êtes Président de la Chambre Economique Tuniso-Européenne ?

Bien sûr la Chambre Economique Tuniso-Européenne pourra jouer le rôle de locomotive entre l’Afrique et l’Europe tout en rendant la Tunisie une plateforme universitaire. Notre politique est de construire en amont des relations de positionnement à l’international avec des universités mondialement reconnues en créant des partenariats constructifs et durables en harmonie avec la politique d’accréditation à mener par notre ministère. Ce qui induirait l’obtention à terme d’un label de qualité international qui permettrait l’accroissement, en aval,  du nombre d’étudiants africains qui viendront poursuivre leurs études en Tunisie. Je voudrais souligner, à cet égard, que l’étudiant africain représente, dans une première étape pour nous, un touriste permanent car il dépense en moyenne 10.000 euros par an et sera dans le futur notre ambassadeur du fait qu’il nous permettra de développer nos relations économiques et commerciales internationales et aura un effet positif sur les investissements extérieurs en Tunisie. Ainsi, pour mieux préserver cette richesse et la développer avec l’ensemble des pays de l’Afrique subsaharienne afin que la Tunisie soit un pays attractif pour l’étudiant africain, il faut mettre en place des dispositions particulières : amélioration de l’accueil à l’aéroport, facilitation de l’obtention de la carte de séjour, renforcement des vols directs vers les pays de l’Afrique subsaharienne. Aussi, il va falloir multiplier le nombre de nos représentations diplomatiques et développer notre réseau bancaire sur l’Afrique.

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